Après Fourmiz, et divers projets en format 2D, les studios Dreamworks réalise en 2001 leur deuxième long-métrage en image de synthèse. Un second coup d'essai diablement fructueux, puisque à sa sortie Shrek fait l'effet d'une véritable bombe au box-office mondial. Un excellent filon que Dreamworks s'est empressé d'exploiter, débouchant à la production de trois suites, ainsi que de plusieurs court-métrages. Le phénomène est tel qu'à ce jour il est impossible d'être passé à côté, tout le monde ayant vu, ou moins entendu parler du sympathique ogre vert et de son pote l'âne. La raison d'un tel engouement réside dans la capacité de la franchise Shrek à avoir su conquérir aussi bien un jeune public que des spectateurs plus adultes. Si le long-métrage débute par l'introduction classique du livre de conte de fée, on se rend vite compte que l'on est tout sauf dans un grand classique signé Walt Disney. Ici, Gepetto vend Pinocchio pour une poignée d'pièces d'or, Peter Pan fait de même avec Clochette, le grand méchant loup se prend pour une bonne femme, Robin des Bois est un crâneur insupportable, et le miroir magique se prend pour un animateur de jeu télévisé. Une satire pleine d'humour envers les traditionnels contes pour enfant, adressée par la même occasion à son imposant concurrent, la firme Disney. Les plus attentifs ont d'ailleurs peut-être remarqué la parodie de It's Small World, lorsque Shrek et l'âne débarquent à Dulock et actionnent une sorte de point d'information animé par des marionnettes qui chantent en cœur "Dulock est un monde parfait", savoureux. Dreamworks prend un malin plaisir à détourner histoires, personnages et contes populaires, bénéficiant pour se faire d'une pléiade de personnages hauts en couleur. Une couleur assez verdâtre tout d'abord avec dans le rôle titre Shrek, affublé pour l'occasion de la voix de Mike Myers en VO, et celle d'Alain Chabat dans le doublage français. Shrek c'est un ogre sans gêne, grossier, sale, terre-à-terre, malodorant et asocial, qui coule des jours heureux, en solitaire, dans son paisible marais. Une tranquillité perturbée lors de sa rencontre avec l'âne, un bourricot qui a non seulement la faculté de parler, mais qui semble avoir un débit de parole illimité. Un personnage très drôle et attachant, doté qui plus est de la voix d'Eddy Murphy, logiquement doublé en VF par la voix française (Med Honto) de l'acteur, ce qui ne gâche rien au plaisir. C'est donc avec un âne pipelette collé aux basques, que Shrek, pour récupérer son marais, va se lancer dans une dangereuse quête confiée par (le minuscule) Lord Farquaad, consistant à sauver et ramener la princesse Fiona (Doublée en VO par Cameron Diaz, et Barbara Tissier en VF). Les gags s'enchaînent alors, à grand renfort de dialogues croustillants, humour noir, anachronismes juteux, et scènes d'anthologies. On citera Shrek dans un combat au catch contre des chevaliers, le passage rythmé du château abandonné, Fiona qui dérouille la face de Robin des Bois façon Matrix, et j'en passe et des meilleures. On notera aussi l'efficacité de la B.O, qui donne vitalité à certaines séquences, des entraînantes All Star et I'm a Believer de Smash Mouth, en passant par la fabuleuse Hallelujah de Rufus Wainwright, jusqu'au son rock'n'roll de Joan Jett avec Bad Reputation. Un spectacle jouissif, drôle et revigorant, mais qui se veut aussi calme et émouvant. Car si le voyage de Shrek, l'âne et Fiona, est jonché de blagues et d'aventures, c'est aussi un voyage révélateur, où chacun va peu à peu ouvrir sa carapace pour révéler son vrai-soi, changeant ainsi leur vie pour toujours. On découvre alors en Shrek un personnage blessé et sensible qui, las d'être jugé par avance à cause de son physique, a fini par s'isoler du reste du monde pour ne pas subir les regards dégoûtés posés sur lui. Fiona elle, qui apparaît au début comme la princesse typique, douce et romantique, finit par se montrer bien plus teigneuse, mal poli, culotté et moins fleur bleu qu'au premier coup d'oeil. Même la dragonne, d'abord effrayante et menaçante, dévoile ensuite une personnalité beaucoup plus douce, souffrant de la solitude et se dévoilant même très romantique. Et si la romance entre Shrek et Fiona s'éloigne de l'impertinence et du second degré cultivé au départ par le long-métrage, ce retour à des codes plus conventionnels fonctionne, et le charme opère. Le pari est donc réussit, les studios de Dreamworks ayant su totalement renversé l'archétype barbant du héros brave et charmant que l'histoire de l'animation, et du cinéma en général, nous ont resservi à toutes les sauces. Ici ce sont les parias, les infréquentables et les bizarroïdes qui sont mis à l'honneur, défendant ainsi le droit à la différence. Audacieux, dynamique, légèrement irrévérencieux et doté de graphismes d'excellente facture, Shrek apporte un souffle nouveau à l'animation. Culte !