Une oeuvre au scénario génial, c'est sûr, mais très complexe.
Oblivion est au carrefour de plusieurs films de SF : Matrix pour la guerre entre résistants et I.A, The Island pour le clonage d'hommes qui sont des cobayes, Alien pour la conquête spatiale qui vire au fiasco et Total Recall, pour l'amnésie du héros qui retrouve ses souvenirs et son identité après sa rencontre avec une femme. On pourrait aussi y ajouter une référence à des films catastrophes comme 2012 par exemple avec cette vision d'une terre dévastée où seule une poignée d'hommes ont survécu. Bref, un scénario qui multiplie par un jeu d'écho les allusions à d'autres films en intégrant leurs principaux thèmes. Du coup cette histoire est riche, très riche et donc difficile à suivre. D'ailleurs j'ai vu sur un site que beaucoup s'interrogeaient, certains comprenant mieux que d'autres c'est sûr mais avec encore pas mal de zones d'ombre non éclaircies. Alors comment articuler tous ces thèmes ? Joseph Kosinsky y parvient tout en restant dans le langage symbolique propre au cinéma américain.
Jack, interprété par Tom Cruise, vit dans l'illusion, une perception de la réalité biaisée qui est une invention de son supérieur qui le manipule pour son profit. Il vit dans un confort high tech soigné auprès de Viki, sa collègue et compagne à bord d'une station orbitale d'où il surveille la Terre et les réserves d'eau qui servent à alimenter une colonie implantée sur Titan. Selon la version officielle, c'est suite à une invasion extra-terrestres, les chacals, que les hommes ont dû fuir leur planète d'origine. Mais Jack va faire deux rencontres décisives qui vont complètement chambouler ses repères : d'abord une femme dénommée Julia qu'il voyait en rêve et qui débarque de l'espace puis Malcom Beech, le chef des chacals qui, loin d'être des monstres, sont en fait des hommes cherchant à survivre sur cette Terre dévastée. C'est par eux et l'enregistreur de vol qui se trouvait sur le vaisseau de Julia qu'il découvrira enfin la vérité...
Le couple formé par Jack et Vicky me fait penser à celui d'Adam et Eve dans la Bible, ce couple originel qui fut le premier à chuter sauf qu'ici, le duo de clones terminent l'histoire de cette humanité tombée dans l'erreur qui vit sous la coupe de l'illusion. Pour sortir de cette bulle, faut-il encore faire l'effort de chercher et retrouver la mémoire, des souvenirs et connaissances perdus très éclairantes sur sa propre identité comme celle de sa société. Jack est aussi le héros du conte "Jack et les haricots magiques" qui, comme David face à Goliath, battit les géants sauf qu'ici, la figure du monstre, s'est beaucoup plus modernisée et qu'elle revêt une figure charmante : celle d'une femme virtuelle jolie et souriante qui est en fait le masque d'une I.A. Ah quand on pense aujourd'hui à la belle blonde aux yeux bleus du programme Amélia qui se diffuse dans les administrations et les entreprises ! C'est vrai qu'elle est si séduisante qu'elle nous endort, qu'on est prêt à gober n'importe quoi (même si c'est elle en fait qui nous gobe à l'instar d'un grand vampire).
Il faut dire que le Têt est présenté comme une sorte d'extra-terrestre qui a croisé la route d'une équipe de cosmonautes, qu'elle a interceptés et détournés de leur voie au point de s'approprier leur mission : plutôt que ce ne soit eux qui explorent des planètes, c'est en fait cette créature qui a envahi la Terre tout comme le poulpe véloce d'Alien l'a fait avec l'équipe du commandant Ripley. Je le crois aussi : si l'I.A se développe sur Terre, finie la découverte de l'espace par les hommes car c'est son armée de robots et de clones qui le fera.
Enfin, ce film présente une nouveauté non négligeable : il remet au premier plan l'eau, montré comme l'élément que tous convoitent et veulent aussi préserver par nécessité de survie. Il faut dire que dans ce film, il y a eu tant de destructions à cause de la guerre et des catastrophes nat. (dixit Malcom Beech) que la Terre n'est presque peuplée que de ruines et de déserts (même s'il reste par endroit de la végétation). Un rappel aux fondamentaux que l'on a effectivement beaucoup oublié au cours de ces 60 années d'exploitation capitaliste, 60 qui est aussi le nombre d'années dans ce film se rapportant à l'amnésie collective des hommes (à l'image des clones).
Heureusement, il paraît que quelques-uns, les rebelles, n'ont pas été dupes et qu'un clone parmi d'autres va enfin se réveiller à leur contact au point de détruire ceux qui restent endormis et sauver la poignée de ceux qui se seront éveillés à leur tour. Si c'est Joseph Kosinsky qui le dit, pourquoi pas...Ceci dit, je ne peux m'empêcher de penser qu'il ne faudrait pas trop tarder pour le réveil lorsque les écarts de puissance sont trop grands entre créatures. Quand on songe aux conditions de vie des animaux et à la façon dont ils ont été cruellement traités par les hommes, l'Histoire pourrait se répéter comme d'hab avec cette grande différence toutefois : que c'est nous qui seront les proies, les esclaves, les cobayes, bref les victimes d'une espèce supérieure. Alors, non, 2077 qui est l'année où l'auteur situe son histoire, soit 60 ans après aujourd'hui, ce ne sera plus possible pour le réveil des hommes et la destruction de l'I.A par eux car, la commercialisation étant déjà lancée, on voit se profiler son armée de robots. Trop forts, plus puissants que de simples hommes amnésiques, ils pourraient vite écraser toute forme de résistance menée par une poignée d'humains qui, il faut le reconnaître, appartiennent à une espèce bien trop inférieure à eux.