Un film éblouissant, tel un western élégiaque, qui distille par petites touches sublimées des scènes de pure cruauté humaine et d’érotisme.
Georges et Phil, les deux frères Burbank, sont à la tête d’un ranch, le plus grand à perte de vue. Ils élèvent leurs bovins, dans les paysages arides des vallées du Montana.
Georges épouse secrètement Rose, une veuve aubergiste. Elle vient les rejoindre avec son fils, Peter.
Peter, grand échalas efféminé, sensible et érudit, qu’on dirait à peine sorti de l’adolescence, tant son corps élancé est ténu. A l’auberge, il aidait sa mère au service, et fabriquait des bouquets de fleurs en papier qui décoraient les tables. Il part étudier la médecine, pour devenir chirurgien. Pendant les vacances, il rentre au ranch.
Phil vit en phase avec la nature, brillant cow-boy, avec un sens raffiné dans la compréhension des animaux. Son corps athlétique est toujours vêtu dans ses vêtements de cuir, confortables pour le travail auprès des bêtes. Cow-boy viril au regard d’azur et aux cheveux bruns, il est rustre avec les autres, et rude avec lui-même. Il se lave dans les sous-bois, avec la terre glaise et l’eau de la rivière. Dans sa chambre, il joue du banjo.
Son frère Georges, semble s’être construit et développé en parfaite opposition. Un physique rond, à la peau rose et aux cheveux clairs, il est soigné, délicat et prévenant avec ses semblables. Il semble ne pas faire cas des brimades humiliantes et incessantes de Phil.
Au ranch, Rose peine à trouver une place auprès de ce beau-frère cruel, qui a raison de sa délicatesse. Elle se met à boire.
Une Rose perdue dans le désert, telle une métaphore des fleurs en papier de son fils.
Du film, on lit qu’il traite de la masculinité toxique, ce qui m’a semblé un peu réducteur. Trois portraits d’hommes qui viennent incarner de très beaux personnages masculins ; de la virilité excessive du cow-boy, au chef de famille altruiste, au jeune homme androgyne aux manières délicates.
L’érotisme couve à travers les gestes et les regards des hommes, dans une violence ourdie. Peter s’est attiré les sarcasmes de Phil, avant de gagner son amitié. Mais il lui a confié être très fort. A la force musculaire et puissante de Phil, une force toute différente habite Peter.
Dans le huis-clos du ranch familial, on perçoit le dehors dans l’encadrement des ouvertures, sombre à l’intérieur, et terrassé de lumière à l’extérieur.
Le film de Jane Campion est un film dont les images portent toute la narration de l’intrigue. Les peaux des bêtes sont au cœur de l’évènement qui va faire basculer ce petit monde, de l’équilibre instable sur la corde raide.
Certains plans, sont admirables, tant ils sont beaux ou improbables. Peter qui fait du hula hoop, dans la nuit au clair de lune. Phil qui nage dans la lumière des sous-bois. La danse de Rose et Georges au sommet d’une colline, avec une vue ouverte sur l’immensité des paysages. L’image sans être esthétisante, nous embarque dans un grand western contemporain qui interroge la masculinité, dans une époque et un milieu très conservateurs.
Le film, un western, le cinéma machiste par excellence, vient convoquer notre époque actuelle, dont les genres de moins en moins binaires, s’affranchissent de leurs carcans.
Les acteurs sont tous excellents, mais l’incroyable surprise vient de Benedict Cumberbatch aux antipodes de son personnage dans l’excellente série Sherlock Holmes. Il nous rappelle l’interprétation magistrale de Daniel Day-Lewis dans "There Will Be Blood".
« The power of the dog » a été récompensé du lion d’argent à la dernière Mostra de Venise.
Mon seul regret est d’avoir découvert ce grand film sur mon petit écran, qui ne se prête pas bien au western avec ses plans larges sur de beaux paysages, et pas dans une salle de cinéma. En salle, "Le pouvoir du chien" aurait dévoilé encore bien davantage toute sa beauté photographique. Il est sorti le 1er décembre sur la plateforme Netflix.
Un film éblouissant et funeste, d’une grande sensualité, attention chef d’œuvre.