Classique, baroque, expressionniste et beaucoup d'autres choses encore. On embarque dans le train et on à pas une seconde de répit. Pousser à ce point l'autodestruction entre deux personnages, faut être sadique pour faire ça, mais si le film s’arrêtait à ça, on n'en parlerais plus; intervient une étrange créature qui chamboule tout, et on plonge dans le mysticisme le plus profond. Caméra survolté, acteurs habités (comment ne pas l'être), et Isabelle en état de grâce, elle explose littéralement la caméra, elle est enfin tombée sur un réalisateur qui ose la faire jouer réellement. Objet polysémique et obsédant comme une drogue dure, utilisation de travellings avant et latéraux remplis de présence. Le corps sujet est ancré dans le propos du film, souffrant, palpitant, sans mise à distance, presque proche du "nouveau théâtre", et des dialogues qui vont de la logorrhée verbale à l'économie de mots pur et simple, nous envoie directement en cure. C'est excessif, mais Zulawski est excessif ou n'est pas. Que des morceaux de bravoure dans le truc:
Le solo d'Adjani dans le métro, ou se mêle jeu d'acteur, et improvisation, est un d'anthologie, à montrer dans toutes les écoles d'art du monde. Son face à face plein de sous-entendus avec une sculpture du Christ en champ-contre champ/ plongée-contre-plongée est un magnifique coup de cinéma, terriblement vivant et poignant.
Alors on parle de quoi dans ce film? de la lente dégradation d'un couple à l'ombre du mur de Berlin, de la folie, furieuse et apparemment communicatrice, ou de la rédemption, la monstruosité et la corruption en dedans de la chair, de censure, de la dictature qui oppresse les corps, et contraint les esprits, ou de science fiction peut-être. Ce film est chargé en symboles...Il y a dix ans je l'ai revu avec des potes étudiants, et une fille me disait que c'était la passion amoureuse. Et je ne suis pas sûr que Zulawski lui-même ait un script limpide à nous donner. Comme toute œuvre d'art véritable, il y a un mystère que les visionnages n'arrivent pas à épuiser. Avant hier je l'ai revu, et la fin apocalyptique et sonore, qui nous laisse sans réponse, me fait penser au premier contact entre nous et une entité supérieure, génial. En fait c'est un film de "science-fiction". Inspiration unique qui transcende les genres, par une économie de moyens qui laisse baba, ça n'arrive pas tous les jours. Classique et culte, je dis.