Ce film, considéré comme le plus mémorable d’une filmographie qui a toujours refusé les facilités et dédaigné l’approbation du public, souffre d’un problème de positionnement, comme s’il ne parvenait pas à être tout à fait ce qu’il ambitionnait d’être. Il faut dire que Zulawski en a écrit le scénario bourré à New York, quelques temps après un divorce difficile et son passage à l’Ouest. Partant de là, il est assez simple de rassembler les indices qui plaident en faveur d’une métaphore fantastique de la désagrégation du couple (ou plutôt d’une double mise en abîme puisque Zulawski la dissimule sous l’apparence des phénomène inexplicables qui gravitent autour de la désagrégation - bien visible celle-là - du couple formé par Mark et Hanna) ou, moins évident, une critique de l’autoritarisme soviétique et de sa capacité à “fabriquer� des fous et des monstres. Pourtant, à l’écran, ‘Possession’ ne semble pas très clair sur ses intentions et cette lecture analytique du film se révèle plutôt a posteriori alors que tout au long de cette plongée dans les abîmes d’une folie qui semble n’épargner aucun des protagonistes, on a plutôt eu l’impression d’assister à quelque chose qui de foncièrement premier degré, entre polar paranoïaque, faux-remake européen de “Body snatchers’ et Thriller psychologique à la ‘Shining’. Bon, on n’est pas non plus obligé de chercher à toute force un signifiant politique dans chaque film….mais là, on retire l’impression que la volonté était bien réelle mais que le réalisateur n’a pas été capable de l’exprimer clairement. Du coup, autant se rabattre sur une lecture au premier degré qui mérite déjà le détour, avec ce faisceau d’éléments bizarres mais tout d’abord insignifiants, qui grandissent en anormalité jusqu’à transformer la réalité en cauchemar éveillé. Les disparitions et réapparitions illogiques de l’épouse, la relation du mari avec une autre femme qu’il est supposé haïr, la mystérieuse ressemblance entre l’institutrice de son fils et l’épouse volage, le comportement erratique de l’amant de cette dernière,...cette contamination du réel, qui estompe progressivement toute norme cartésienne et pousse les personnages à des extrémités incompréhensibles se nourrissent d’une atmosphère lourde et malsaine, avec ce Berlin sinistre et décati, défiguré par l’omniprésence du Mur. Si ‘Possession’ doit une partie de sa réputation, auprès du public des années 80 qui était friand d’oeuvres différentes et radicales, au fait que le concept du dopplegänger était moins fréquent qu’il ne l’est devenu aujourd’hui, il renferme tout de même quelques éléments qui peuvent encore susciter un certain choc à l’heure actuelle, à commencer par l’aspect monstrueux et répugnant, lovecrafto-barkerien pourrait-on dire, de la Créature. Car oui, il y a une créature : le tout est de savoir quelle manière de l’appréhender aura votre préférence Ensuite, le jeu excessif et outrancier des acteurs, d’une démesure dont on ne sait pas s’il faut la considérer avec sérieux ou la tourner en dérision, reste marquant, même compte tenu de l’évolution des normes. Si Sam Neill s’impose (déjà) comme l’un des meilleurs choix possible pour les rôles tordus et complexes, Isabelle Adjani est en surchauffe permanente : elle désavouera d’ailleurs sa prestation par la suite, regrettant la manière dont Zulawski l’avait poussé dans des recoins où elle ne souhaitait pas aller, et qui lui ont valu une réputation persistante d’actrice hystérique pendant de nombreuses années !