Florian Zeller, à la base auteur de théâtre français, adapte ici l'une de ses pièces à succès sur grand écran. Récompensé à plusieurs reprises, notamment par l'Oscar du meilleur scénario adapté et du meilleur acteur, The Father nous immerge dans le quotidien d'un octogénaire vivant seul dans son grand appartement londonien. Sa fille, Anne, lui rend régulièrement visite et cherche une aide à domicile compétente qui saura le prendre en charge lors de ses absences. Mais son père ne partage pas cet avis et pense pouvoir se gérer seul, et ce, malgré un environnement de plus en plus confus et distordant... Après une version plus "soft" avec Jean Rochefort et Sandrine Kiberlain en tête d'affiche dans Floride, c'est au tour d'Anthony Hopkins et d'Olivia Colman de se plonger dans les abîmes de la vieillesse. Autant dire qu'on change de standing ! Tout simplement poignant et bouleversant, Florian Zeller réussit à transformer ce huis clos d'appartement en labyrinthe mental et nous emporte, au même titre que son personnage principal, dans des allers et venues inquiétants où les contre-sens se multiplient pour devenir de véritables pièges sensoriels. Les visages se mélangent, les prénoms se confondent, l'espace-temps se distord, les objets se perdent, les répliques se réitèrent,... Au début, on laisse le doute nous envahir sur les suspicions que porte le vieillard sur son entourage et on devient alors le témoin et le compagnon de sa perte de repères. Cette première réalisation de Zeller est intelligemment maitrisée et d'une inventivité folle car elle utilise de façon répétitive les mêmes cadres afin d'amplifier ces notions d'enfermement et de stagnation. Des modifications soudaines surviennent aussi dans le décor, ce qui nous enfonce encore plus dans l'esprit décousu d'Anthony (le prénom du personnage, lourd de sens !). La musique, très discrète mais marquante de Ludovico Einaudi, sonne le glas à des moments déterminants et s'assimile à des moments de lucidité et d'émotions puissants. Anthony Hopkins est saisissant de complexité et de vulnérabilité presque enfantine. Une sorte de Roi Lear en pyjama désorienté, passant de l'euphorie à la perte totale de repères en un éclair. Sa prestation touche au coeur et retranscrit parfaitement le sort inéluctable provoqué par une maladie dévorante. Face à lui, Olivia Colman est bouleversée par les incohérences de son père. Sa peine, sa douleur, ses larmes quand il lui échappe ne peuvent laisser indifférent. Le reste du casting est tout aussi remarquable, bien que moins imposant (Olivia Williams, Rufus Sewell, Imogen Poots...). Plus qu'un simple drame, "The Father" est une claque d'émotions qui s'avère difficile à regarder en face tant ce qu'elle touche vise notre imperceptible peur de la finitude.