Adapté de la pièce de théâtre par son propre auteur, Florian Zeller, The Father s’affirme telle une œuvre importante en ce qu’elle porte un regard lucide et sans jugement moral sur la vieillesse contemporaine, une vieillesse que l’on finit par retrancher dans un hospice médicalisé pour permettre aux enfants de vivre leur vie. Le personnage principal, Anthony, n’a de cesse de répéter que « quelque chose ne tourne pas rond », formule que le long métrage adopte en parti pris de mise en scène puisqu’il ne se compose pour l’essentiel que d’une seule et même journée que les troubles de la mémoire viennent démultiplier. L’appartement mute en dédale de couloirs et de pièces qui partagent un paraître, une somme d’objets, de textures et de couleurs en commun avec toutefois de légères variations, suffisamment présentes pour nous déboussoler, nous spectateurs. En nous faisant épouser le point de vue d’Anthony, Florian Zeller change son film en une immersion saisissante dans la tête d’un homme souffrant de la maladie d’Alzheimer ; notre trajectoire vise à assembler les pièces d’un vaste puzzle – celui d’une existence entière, en fragments détachés – jusqu’à obtenir pleines satisfaction et compréhension, de même que le parcours entrepris par le personnage principal part de confusions pour, par des heurts successifs avec une réalité volatile et changeante, se raccorder au présent tel qu’il est, plein de douleur et d’absences. C’est donc à un trajet vers la lumière que nous convie le dramaturge ici réalisateur, qui a l’intelligence de tout filmer depuis l’intérieur, exception faite de la façade de la maison de retraite. Aussi la pièce de théâtre qui se joue devant nos yeux constitue-t-elle l’expression d’un théâtre intérieur, d’un espace mental dont chacune des étapes du processus de reconstruction est rendue visible à l’écran. Voilà qui est fort habile, un peu trop d’ailleurs, car The Father finit par se perdre dans ses effets de manche, heureux de nous perdre, spectateurs et personnage, de nous duper encore et encore. Il aurait certainement fallu un dépouillement plus grand, notamment lors de la clausule assez mièvre et grandiloquente ; il aurait certainement fallu renoncer à un emboîtement qui renvoie une impression de jeu grandeur nature pour retrouver la simplicité d’un dernier cri, un appel à l’aide adressé à celle qui réconforte, que l’on aime et qui n’est plus là. Reste un grand film, poignant et incarné à la perfection par ses acteurs, mention spéciale à Anthony Hopkins.