Florian Zeller frappe fort et juste avec son tout premier film. D’ailleurs la maîtrise et la maturité avec laquelle il illustre le sujet de la maladie d’Alzheimer est évocateur et promet une belle carrière à ce jeune réalisateur. Pas mal d’œuvres ont traité cette maladie sur le grand écran, que ce soit du côté français avec par exemple « Se souvenir des belles choses » ou du côté américain avec « Still Alice » qui a valu à Julianne Moore l’Oscar de la meilleure actrice. Et c’est peut-être ce qui attend Anthony Hopkins pour « The Father » tant sa prestation est forte, émouvante et juste. Le comédien octogénaire voguait de films en films alimentaires depuis quelques années, n’évitant pas le cabotinage ou les excès de jeu, mais il semblerait qu’il ait décidé de nous offrir une des prestations mémorables et magistrales dont il avait le secret avec ce film. Il est royal, attendrissant et touchant et nous fait parfaitement ressentir toute la détresse d’une personne atteinte de cette maladie. Olivia Colman ne démérite pas mais reste plus en retrait, laissant au comédien toute la place pour exprimer son talent. Il est clair que ce rôle fera date dans sa très riche filmographie et qu’il sonne comme une prestation de fin de carrière, une forme de chant du cygne montrant toute l’étendue de son talent inimitable. Le long-métrage adopte une forme plutôt théâtrale, en huis-clos. On aurait peut-être aimé que « The Father » s’aère un peu plus hors des murs de cet appartement mais cela montre l’enfermement psychologique vécu par le personnage malade d’Anthony et la mise en scène évite tant que faire se peut le surplace et optimise au maximum l’espace confiné de ce lieu. En revanche, encore une fois, cette histoire prend place dans une atmosphère très bourgeoise, comme si la maladie n’existait que chez les riches de ce monde (comme pour « Amour » de Haneke au sujet voisin). Cela en devient parfois gênant.
Plus original et novateur qu’à l’accoutumée pour ce genre de sujet casse-gueule, Zeller montre la maladie sous un jour nouveau. Plutôt que de se focaliser sur ses conséquences sur l’entourage du personnage principal, le film choisit d’entrer dans la tête d’Anthony en retranscrivant sa détresse, ses pertes de repères spatiales et temporelles ainsi que ses questionnements quant à la réalité de ce qu’il voit et entend. Au début, on est un peu perdu, voire perplexe, mais petit à petit ce choix narratif s’avère payant et tout à fait adapté. Rarement on avait perçu aussi bien la tristesse de la perte de mémoire. Au point de ne plus reconnaître ses proches, de voir des inconnus chez soi, de perdre des objets ou encore de n’avoir plus notion du temps qui passe et des lieux où l’on se trouve. L’appartement peut se voir comme un mausolée labyrinthique accueillant une personne au crépuscule de sa vie. Les êtres qui l’entourent ne sont plus que des inconnus ou des ombres. L’émotion n’est pas toujours prégnante mais elle n’est jamais non plus forcée, le film évite ainsi le pathos dégoulinant qu’un tel sujet aurait pu autoriser. Mais certains moments sont déchirants, notamment la scène ou le personnage de Colman craque devant les errements de son père ou à la fin quand Anthony pleure comme un bébé, retrouvant une mentalité enfantine. Une scène qui fend le cœur, simplement, sans forcer. On prend bien conscience des ravages d’Alzheimer sur le malade comme sur ses proches. « The Father » est à la fois simple et efficace dans sa manière d’aborder le sujet mais réussit à le rendre aussi plus compréhensible de l’intérieur et ce n’était pas chose aisée. Pas un chef-d’œuvre mais en tout cas un beau film, empli de pudeur, sur le sujet et un rôle magnifique pour Hopkins.
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