Et bien... la définition même d'une nouvelle expérience cinématographique ! Je crois que c'est la plus déroutante sur le fond de toute sa filmographie peut-être. Un vrai OFNI à l'exception près qu'il n'ait pas réellement non identifié, mais bien identifié comme un film réalisé et écrit par Gaspar Noé. C'est ça qui est saisissant, c'est totalement inclassable mais on reconnait pourtant la patte du réalisateur.
Il faut déjà souligner la durée du film, 50 minutes, qui le place alors du côté du moyen-métrage, ce qui, en soit, sort déjà de l'ordinaire. C'est osé, c'est audacieux, c'est définitivement expérimental. Des plans séquences mêlées à du split screen dans un format resserré 4:3, avec une forte dose d'improvisation dans les dialogues, des éléments narratifs
(comme le coup de téléphone de Charlotte à la nounou de sa fille autour d'un mannequin-cadavre ouvert avec des viscères)
qui viennent petit à petit s'accumuler à l'ensemble du propos mais sans connaître ni la fin, ni les tenants, ni les aboutissants, pour créer un simple effet d'oppression. Et c'est la seule évidence que l'on retient du film. Il est fait pour étouffer de façon totalement anarchique avec des effets d'accumulation pour mener jusqu'à l'outrance et l'incapacité visuelle de regarder l'écran. L'effet psychédélique avec des effets stroboscopes lancinants mais réellement insupportables visuellement, est proche de celui utilisé au début de Irréversible, mais rajoutez-y simplement 10 minutes et 3 sources de couleurs différentes, et vous y serez ! L'enfer visuelle, sensorielle, obligeant à détourner le regard si l'on veut pas découvrir pour la première fois l'effet d'un déclenchement d'une crise épileptique. J'ai trouvé cette partie finale vraiment excessif à cet égard...
Le film est également difficilement appréhendable sur le propos véhiculé. Je sais que c'est à la fois une vision plutôt négative autour de la sorcellerie et rite satanique, mêlée à de la religion (avec un message assumé du réalisateur en fin de générique), dérapages de tournage, et la place de la femme érigée en tant que victime, condamnée au bûcher. C'est un fourre-tout incryoable. Difficile d'en sortir quelque chose de lisible, et encore plus difficile d'imaginer que ce film est une commande du directeur artistique d'Yves Saint Laurent.
Par contre j'ai vraiment apprécié le dialogue de 12 minutes entre Charlotte Gainsbourg et Béatrice Dalle qui ouvre le film. Il faut quand même un certain talent pour accrocher le spectateur avec une histoire banale, et tout en improvisation puisque cet échange entre les deux actrices a été tirée d'une séquence de 20 minutes filmée en impro le dernier jour de tournage sans juste aucune autre indication de Gaspar Noé que celui-ci : "Parlez du tournage de ce film, de sorcières, d'autres tournages, etc. Évitez de citer des noms, et amusez-vous au maximum". Ce dialogue étant la pièce maîtresse du film, et le seul élément permettant de s'accrocher un peu au contexte...
Mais autrement, le film est vraiment déroutant, je n'ai pas d'autres mots, on en sort troublé et lessivé. Et on comprend pourquoi il ne dure que 50 minutes.