Voilà longtemps que le cinoche ne nous avait pas proposé un bon vieux polar.
Voici donc "Misanthrope", un néo-thriller réalisé par l'argentin Damián Szifron, celui qui nous avait déjà scotché en 2014 avec "Les nouveaux sauvages", peinture acide de nos sociétés et de ceux qui (avec la frustration, le stress, l'injustice, ...) franchissent la ligne jaune qui sépare la civilisation de la barbarie.
Un film qu'on a d'ailleurs revu avec plaisir pour l'occasion (et où seul le dernier sketch, celui du mariage, était en-dessous du lot).
Dans la foulée, Misanthrope démarre à 200 à l'heure comme un sketch bonus : à Baltimore, le soir du réveillon du jour de l'an, un tueur dézingue une trentaine d'inconnus au fusil à lunette, façon sniper, une tuerie de masse dont les US sont coutumiers (la NRA sera même évoquée plus tard pour ceux qu'ont pas compris dès le début).
Le FBI part en chasse au tueur (c'est le titre en VO) dans un montage survolté et sans répit où Damián Szifron se réapproprie tous les codes du genre pour un très bon moment de plaisir cinéma aux cadrages redoutables.
Le titre de la VF est bien vu qui colle à la violence de notre société décrite par Damián Szifron : vente d'armes à feu, impéritie des politiques, antiterrorisme envahissant, surconsommation (ah le plan sur le tas d'ordures !), viande animale, ...
La scène de l'abattoir restera dans les annales : on a l'habitude de se cacher les yeux de temps en temps dans un thriller quand c'est insoutenable bien sûr, et généralement c'est parce qu'une belle jeune femme ou le héros sont victimes de sévices bien tordus, mais là c'est pour la visite presque anodine d'un abattoir, l'air de rien, sans esbrouffe ni trompettes, mais quelle puissance dans ces images ! Sûr que tous les spectateurs resteront végétariens cette semaine.
À noter :
- tout comme dans les Nouveaux Sauvages, une bande son qui déménage : on entend même le bruit du stylo ou du crayon sur le papier, c'est superbe, un film dans le film.
- un trio d'enquêteurs remarquables avec un chef tourmenté (l'australien Ben Mendelsohn) et une fliquette borderline (l'actrice et militante écolo Shailene Woodley) tous deux loin des clichés du genre. On comprend moins la fadeur du black de service qui fait piètre figure à côté de ses deux collègues.
- une fin un peu trop hollywood et prévisible pour ce film amer et désabusé, c'est certainement le prix de l'apaisement avant d'aller manger une salade verte.