Qu'est-ce qui faisait le prix de Les nouveaux sauvages ? La noirceur de son humour, au service d'une vision sans concession de la société argentine, entre individualisme, violence et clivages sociaux. Autant d'éléments qui figurent, peu ou prou, dans ce Misanthrope qui montre un tueur malade (pléonasme ?) dans une société qui ne l'est pas moins, le curseur s'étant déplacé jusqu'aux États-Unis, sans que le cinéaste, Damián Szifron, y perde son âme ni sa maîtrise narrative. Dans le marasme qualitatif du cinéma américain, Misanthrope fait excellente figure car impeccablement écrit, dialogué et rythmé, avec l'obtention d'un équilibre louable entre action, psychologie et l 'air du temps, en cochant toutes les cases, de manière un peu trop programmatique, peut-être (Maltraitance animale, libre circulation des armes, cause LGBT, féminisme ...). Nonobstant, l'efficacité de ce Misanthrope (Sociopathe aurait été un autre titre possible) est indéniable, à l'instar de polars à l'écrit, lorsqu'ils privilégient le caractère de leur personnage de policier, fragilisé par un certain nombre de failles (chez Connelly, Mankell ou Indridason, par exemple). Ici, la touche humaine et indispensable est dévolue à Eleanor, l'enquêtrice quelque peu marginale, superbement incarnée par Shailene Woodley. Si attachante de par son imperfection et son courage qu'on aimerait la revoir très vite (le personnage autant que l'actrice).