En 1964, lorsqu’il se lance dans la réalisation avec "Parlons femmes", Ettore Scola a déjà derrière lui 11 ans de carrière dans le cinéma, comme scénariste, avec plusieurs grands succès à son actif : "Le fanfaron", "Les monstres", … . 2 ans plus tard, le voici qui réalise son 3ème film, "Belfagor le magnifique", un film dont le scénario, écrit avec Ruggero Maccari, s’inspire très, très librement de « Histoire du diable qui prit femme », une nouvelle de Nicolas Machiavel, ainsi que d’événements historiques survenus à la fin du 15ème siècle.
En 1486, après une période de guerre qui avait attiré de nombreux damnés dans les flammes de l’enfer, la situation se mettait à mal tourner pour ce royaume si particulier : une paix durable entre la Florence des Médicis et la Rome du pape Innocent VIII était sur le point de s’établir, avec, pour sceller cette concorde, le mariage de Franceschetto Cybo, fils du pape, avec Madeleine, fille de Laurent de Médicis, dit Laurent le Magnifique. « Chaque fois qu’une guerre prend fin, notre royaume en pâtit sévèrement, le flux des âmes damnées étant alors cruellement réduit », analysait-on en enfer. D’où la décision d’envoyer l’archidiable Belfagor dans le monde des vivants afin, en 10 jours de temps, de raviver la guerre entre Florence et Rome. Pour l’accompagner et le servir, Adramalek, un diablotin qui, lui, restera invisible à l’ensemble des humains. Objectif n°1 : faire capoter ce mariage annonciateur de paix. Avec en plus, pour Belfagor, la possibilité de gouter à des plaisirs réservés aux humains, en particulier les plaisirs de la table et ceux qu’il rêve de partager avec des personnes du sexe opposé.
On ne surprendra personne en affirmant que "Belfagor le magnifique", contrairement à "Affreux, sales et méchants", "Une journée particulière" ou "Le bal", n’entre pas dans la liste des chefs d’œuvre du cinéma réalisés par Ettore Scola. Faut-il pour autant traiter ce film avec dédain ? Sûrement pas, car dans cette farce médiévale, les bons moments sont nombreux. On peut les trouver dans des répliques (« L’incompétence est pardonnable, pas la prétention » ou « pour les femmes, les vertus masculines qui pèsent le plus sont celles que l’on n’a aucun mérite à posséder »), dans l’évocation des inventions de Léonard de Vinci, dans le plaisir que prend Scola à étriller l’imbécillité des foules et la fatuité. Plus, bien sûr, la séquence sur l’invention du football par Belfagor : « ils nous laissent seules pour courir après un ballon ! » dit une femme ; « les jeux ne durent pas longtemps. on ne s’en souviendra bientôt plus », répond une autre. Voilà qui, avec la bonne prestation de Vittorio Gassman et de Claudine Auger, permet d’arriver à supporter la médiocre musique d'Armando Trovajoli, le genre de musique horripilante qui arrivait à gâcher de nombreux films italiens dans les années 60 et 70.