En attendant son « Wolf », la réalisatrice italienne Nathalie Biancheri nous emmène dans une ville balnéaire du Yorkshire, à la croisée des chemins entre deux âmes solitaires. En abordant ce premier long-métrage avec un éclairage fin de la ville, qui s’enfonce toujours plus dans l’humidité et dans un décalage ambigu, elle accompagne ses personnages avec une bienveillance et un fort sentiment de sobriété. Dit comme ça, on pourrait s’arrêter aux prémices du synopsis, qui n’annonçait rien d’aussi bouleversant, mais plutôt dérangeant. Le film installe alors peu à peu sa mécanique, jusqu’à ce qu’une rencontre occasionnelle puisse devenir un rencard, qui mutera ensuite en une symbiose, gracieuse et convaincante.
À peine débarquée d’Irlande, Laurie (Lauren Coe) s’enferme dans un marathon sans fin, où elle peine à s’intégrer auprès de ses camarades lycéens. Son premier refuge est au stade d’athlétisme, où sa course la conduit soudainement à croiser le regard de Pete (Cosmo Jarvis), homme d’entretien, mais pas seulement. Leur différence d’âge interprète alors, mais l’on dépassera rapidement ce malaise, lorsque l’on obtiendra quelques clés, les poussant chacun à désir l’autre. On continuera à démentir quelques premières impressions, au fil d’un récit qui éclate sa veine dans le but de laisser ses personnages dériver un peu plus dans la solitude, qu’ils cultivent au même rang que la mélancolie qui les prive de danser sur le même rythme ou la même scène. Une vulnérabilité se dégage alors de Pete, tandis que l’adolescente devient de plus en plus entreprenante.
Les cicatrices sont lourdes à porter pour cet homme, qui a le changement mauvais, simplement parce qu’il ne l’a jamais épousé. En pleine rupture avec sa copine, il trouve en Laurie une porte vers la rédemption. Mais la jeune fille y voit une tout autre opportunité, accentuée par la protection de sa jeune mère célibataire (Sadie Frost), qui se heurte presque au miroir de son passé. Doit-on y voit une certaine affection du point de vue d’un père de substitution ou bien un acte d’ado en pleine crise de son existence ? C'est une piste. À l’opposé, Pete est coincé dans le même registre, où ses compétences de peintres consisteraient uniquement à cacher des sous-couches de son passé. Il faudra atteindre le dernier tiers de l’intrigue pour enfin se rendre compte des enjeux de cette rencontre, quelque part entre des réconciliations sur une plage de nuit et une descente aux enfers sous ecstasy.
On en retiendra une relation fascinante et en même temps effrayante. Le ton navigue entre un zeste d’humour noir et une atmosphère plus lugubre, où la vile ne crache que de la noirceur depuis ses hautes cheminées. « Nocturnal » illustre justement comment le duo s’accorde avec leur environnement. Il ne s’agit donc pas d’une traque, estampillée d’une idée glauque, mais bien d’une étude sur l’anxiété d’un homme trentenaire et une lycéenne, qui partagent bien plus que l’image de paria que l’on se fait d’eux. Biancheri rembobine toute leur histoire à coup de regards désespérés, alcoolisés, mais toujours avec une curiosité qui vaut le détour.