Une pure comédie sans prétention signée Woody Allen… à une époque où le réalisateur était un peu dans le creux de la vague (son dernier succès étant, alors, "Harry dans tout ses états" en 1997) et où je n’étais pas encore fan de son univers. Pourtant, la bande-annonce m’avait un peu tapé dans l’œil et la présence de Hugh Grant au générique m’avait vraiment donné envie de le découvrir. Il m’aura fallu 15 ans pour rattraper mon retard et, bien qu’il s’agisse incontestablement d’un film mineur dans la filmo du maître, cet "Escroc mais pas trop" ne manque pas de charme et, surtout, brasse tous les thèmes si chers au réalisateur. On retrouve, bien évidemment, les indispensables plans séquences et leurs incroyables dialogues (avec une pointe d’hommage au cinéma italien neo-réaliste lors des engueulades du début). Chacune de ses scènes est un tour de force qui rappelle que Woody Allen est, non seulement, un grand réalisateur mais, également, un grand directeur d’acteur. On retrouve, également, son humour si particulier (les répliques sont souvent savoureuses), New-York en toile de fond et sa BO jazzy. Enfin, le réalisateur retrouve son personnage fétiche de complexé cynique et misanthrope, davantage effrayé par l’idée d’un déracinement social que par un séjour en prison. On est donc clairement dans un film de Woody Allen ! Alors, pourquoi ne s’agit-il pas d’un grand film ? Tout d’abord, le rythme pêche parfois, surtout dans sa seconde partie où l’intrigue peine un peu à se renouveler, et les seconds rôles, tous plus prometteurs les uns que les autres, se perdent un peu en cours de route (Michael Rapaport, Jon Lovitz, Tony Darrow…) à l’exception, cependant, du classieux Hugh Grant en professeur de bonnes manières et de l’hallucinante Elaine May en cousine attardée. En outre, en faisant le choix d’aborder son histoire sous un angle purement comique, voire burlesque, le réalisateur limite sa marge de manœuvre et bride un peu les thèmes qu’ils évoquent, par ailleurs. Car, "Escroc mais pas trop" n’est pas qu’une farce au scénario souvent tiré par les cheveux
(les multiples péripéties lors de la préparation du casse, l’invraisemblable réussite professionnelle de Frenchy…)
et aux gags parfois prévisibles
(la méfiance du flic, l’erreur lors du vol du collier…)
. C’est, également, une réflexion sur le couple (vieille marotte du réalisateur) et, d’une certaine façon, une critique atypique de l’idéologie américaine puisque Allen remet en cause les bienfaits de l’ascension sociale en considérant que chacun doit savoir rester à sa place (et, surtout, dans son monde). Ce n’est pourtant pas ce propos qu’on retiendra du film mais bien les tirades enflammées du fameux "Cerveau" (Woody Allen himself) ou encore la plouquerie de Frenchy (campée par la méconnue Tracey Ullman). Mais, après tout, peut-être est-ce un mal pour un bien car, avec un traitement moins comique, le film aurait sans doute perdu beaucoup de légèreté et de fraîcheur et se serait, peut-être, perdu beaucoup d’intérêt. Certes, ce parti-pris empêche le film de rivaliser avec les chefs d’oeuvres passés (mais, également futurs) du maître mais il faut prendre cet "Escroc mais pas trop" pour ce qu’il est : une comédie amusante et inoffensive, agrémentée de verbe allenien.