Dans Des feux dans la nuit, les événements sont rares, le rapport au temps âpre, donc fatalement quelques longueurs émaillent le film, mais le contraire aurait fait perdre à la narration de la crédibilité, de l’authenticité. Et quand même, beaucoup nous est dit en peu de temps. Y compris la façon d’aimer de cette mère Mia, vécu peut-être par Alan comme un manque d’amour maternel qui renforce forcément le manque paternel. L’utilité se substitue à l’affect, même entre une mère et son fils, dans pourtant cette absolue et universelle diagonale d’amour. La désaffiliation est partout. Pour la plus grande souffrance intérieure d’Alan, dans les yeux d’une mère devenue incapable de la moindre tendresse avec lui, mais pour qui le lien à Alan va se cantonner à une transmission de l’endurcissement. Déjà partout ailleurs, on sait que le bonheur est un épisode.
Alors sur l’île… C’est comme si l’attente du drame était perpétuellement sous-jacente. Pas un jour sans un grand malheur. Ici on a des besoins, pas d’envies. Ici, la force de l’homme est vraiment dans ses muscles, sa force, son endurance, sa dureté au mal, tout le reste n’est que faiblesse. Ici, le village et ses occupants sont comme enfermés entre l’horizontalité de la mer et la verticalité de la montagne.
Il existe en tout cas dans Des feux dans la nuit quelques moments bouillants et déchirants d’injustice. Dans ce minimalisme de leur île, comme une évidence, l’image, le son, les bruits comptent plus que jamais. Dans cette optique, la mise en scène est d’une pure épure, avec des plans très prenants sur les habitant-e-s et ce fabuleux immuable décor naturel entre mer et montagne. La photographie presque monochrome de Pascale Marin, avec les costumes de Alexia Crisp Jones, aux teintes bleus délavées, se confondant à l’omniprésence de la mer, porte cette écume des jours si désespérée. Le cinéaste dira de Pascale Marin qu’elle est « une magicienne « . La musique de Sebastien Damiani durcit et sert avec force le récit. Les sons du bruit des vagues, de la préparation des plats, des travailleurs à leur tâche, occupent une place prépondérante et apportent cette morne authenticité. C’est une accumulation d’un quotidien triste et sordide.
Des feux dans la nuit est un film dur, sans concession et avec une belle authenticité d’une époque, de mœurs, de vies sans peu de passions. Il nous ramène à la volatilité de la possession, du matérialisme. Ce qui se joue dans la vie d’Alan est au centre d’une histoire qui ne peut que toucher et émouvoir, ce qui est une des aspirations essentielles de nos venues en salles obscures…