Ai vu un CHEF D'OEUVRE... "Illusions Perdues" de Xavier Giannoli qui met en scène un film qui frôle la perfection. Pourquoi adapter le roman de Balzac presque 150 ans après sa parution ? Tout simplement parce que ce qui intéresse le réalisateur c'est justement de nous tendre un miroir sur notre époque où le poids de la presse, le rôle de l'argent, la corruption de certains critiques, les coups médiatiques dans le milieux culturels et politiques sont terrassants. Mais le talent de Giannoli ne s'arrête pas là, sa mise en scène totalement moderne dans ses cadrages, dans son montage, dans son image, dans sa direction des acteurs est totalement au service de l'esthétisme du XIXème siècle. La réalisation est flamboyante et toujours au service du propos. On pense régulièrement aux "Enfants du Paradis" de Marcel Carné, film choral qui se déroule en grande partie sur les grands boulevards parisiens et dans leurs théâtres également, on se rappelle tout autant des "Liaisons dangereuses" de Stephen Frears pour les rapports humains complexes, où l'ambition, la perfidie et la traitrise sont les frontispices communs aux deux films. Dès les premiers plans le spectateur a conscience d'être devant un film immense. C'est un des rares films où la voix off transcende le propos et la forme, il faut dire que la voix magnifiquement posée de Xavier Dolan est envoutante et les mots de Balzac sont lapidaires, si cinglants, si justes... Le casting a été extrêmement travaillé et chacun des acteurs est une évidence dans son rôle. Xavier Dolan en dandy arriviste et prétentieux mais attachant, Jeanne Balibar en Marquise d'Espard aussi redoutable que La Merteuil, Cécile de France en épouse malheureuse et provinciale neurasthénique, Salomé Dewaels en petite comédienne sans talent mais à la jambe légère, André Marcon en député éconduit et fourbe, l'excellent Vincent Lacoste magnifique de cynisme en scribouillard à la plume plus affutée qu'une guillotine et le tout nouveau Benjamin Voisin en poète du dimanche d'Angoulême débarquant à Paris avec sa grande naïveté boutonnée à la redingote. Tout ce beau monde va se jauger, se juger, se gruger, se fustiger... Et le beau Lucien de Rubempré apprendra que l'intérêt de venir à Paris n'est pas d'y être mais d'en être et que pour cela il faut ravaler ses rêves, ses espoirs, son estime de soi et ses illusions... L'adaptation du roman faite par Xavier Giannoli et Jacques Fieschi tient du miracle et de l'orfèvrerie, toute l'essence de Balzac est présente sans que cela soit un vain exercice académique et ronflant. Ici tout n'est que modernité, la jeunesse provinciale veut faire sa place mais il est plus facile à l'aristocratie engoncée de l'écraser sous ses pieds et ses codes, que d'accueillir à bras ouvert ce sang neuf trop populaire et sans manière. La photographie très travaillée de Christophe Beaucarme est somptueuse particulièrement pour les contrastes dont les bords de l'écran sont presque noir pour faire rayonner le centre de l'image. La bande son est un medley des grands tubes de la musique classique qui sied parfaitement à ce joyau. Ce film de 2h30 qui passe comme un éclair est jubilatoire, amer, percutant, euphorisant et dépeint si bien notre XXIème siècle désespérant. Merci à Xavier Giannoli d'avoir ravivé la flamme de mes illusions retrouvées je n'ai qu'une envie voir et revoir ce film qui m'a bouleversé. UN CHEF D'OEUVRE