Le film de Mounia Meddour, Papicha, sorti début octobre 2019 avait pratiquement disparu des écrans franciliens (de mémoire une seule salle le projetait fin février) quand la double récompense aux derniers Césars, meilleur premier film pour Mounia Meddour, meilleur espoir féminin pour Lyna Khoudri, pour son rôle fort de Nedjma, a conduit les distributeurs à le ressortir…. Le film avait déjà obtenu deux prix au Festival du Film Francophone d’Angoulême (meilleure actrice pour Lyna Khoudri, meilleur scénario) Le film est Indiqué en version française, mais en fait il est en dialecte « françarabe », vraie spécificité de la ville d'Alger : on prend un mot français et on "l’algérianise", puis on mélange sans cesse les idiomes….et selon les plans le film passe du français à l’arabe voir au « françarabe »….ainsi en « françarabe » Papicha est le nom donné aux jolies jeunes filles algéroises . La réalisatrice Mounia Meddour, est la fille du réalisateur algérien Azzedine Meddour décédé à Alger en 2000, et d’une mère russe, son père ayant étudié le cinéma à la célèbre école VGIK de Moscou. Azzedine Meddour, menacé de mort par les islamistes se réfugie en France alors que Mounia suivait sa scolarité en habitant une cité universitaire ressemblant beaucoup à celle qu'on voit dans le film, elle étudiait dans une université de journalisme. Elle raconte qu’elle partageait une chambre avec quatre ou cinq filles, et surtout qu’elles partageaient au quotidien des espoirs, du bonheur, de l'humour, de l'entraide, de la collaboration, une douceur de vivre mais aussi des soucis car l'oppression existait dans cette décennie noire, marquée par l’extrémisme et brutalité du terrorisme islamiste. C’est une œuvre pleine de vitalité portée par le tourbillon d’énergie de ses actrices et avant tout le regard d'une actrice, Lyna Khoudri, un regard insoumis, libre, résistant, courageux, quand le pays cèdait chaque jour un peu plus devant l'intégrisme religieux. Stylise en devenir, à la tête de sa bande de « papichas » extrêmement attachantes, son personnage de Nedjma refuse de renoncer à ses rêves malgré les menaces et les violences. L'Algérie change, certain(e)s renoncent, mais pas Nedjma, habitée par son projet d'organiser un défilé de robes cousues dans des haïks, vêtement traditionnel maghrébin. Le propos est fort, l'interprétation puissante, la réalisation de Mounia Meddour juste. Elle a d’ailleurs déclaré lors de la remise de son César : « Il m’a fallu énormément de courage pour me décider à raconter cette histoire personnelle, qui est douloureuse aussi, mais qui était nécessaire. C’est un témoignage important du combat des femmes en Algérie ».
Paradoxe de ce film, il bénéficié d’une aide de l’état algérien, qu’il a représenté pour l’Oscar du film étranger mais l’avant-première du film « Papicha » en Algérie prévue pour le 21 septembre dernier, a été annulée à la dernière minute, sans explication des autorités. Peut-être n’ont pas apprécié que les actrices et la réalisatrice du film aient posé, lors du dernier Festival du Cannes, où le film avait été sélectionné dans la section Un certain regard, avec des badges sur lesquels était inscrit « qu’ils s’en aillent tous », l’un des slogans scandés dans les manifestations se déroulant dans le pays depuis le 22 février, pour un changement de système politique. Frustrés, les jeunes Algériens qui attendaient avec impatience la sortie de ce film, ont largement piraté le lien de téléchargement. Hymne à la vie, à la tolérance et à la résistance, c’est un film éminemment politique qui ravive le devoir de mémoire de l’Algérie…Ne manquez pas sa re-sortie !!