Ce film est un produit honnête ,bien réalisé , avec un discours taillé ( je pense assez inconsciemment, avec plein de bonne foi bien niaise) pour une classe dominante; pour les bobos des centres ville; l effet de sidération que ce film a produit dans les mass médias ; l intérêt qu il a suscité dans la classe politique la plus conservatrice ( film plébiscité par Le gouvernement, par France Inter , rtl etc etc )vient á mon sens , pour moi qui ai vécu 29 ans dans une cité semblable à celle du film , du fait qu aucun journaliste , pas une seule fois , n avait en 50 ans de reportages, su et/ou pu montrer " la banlieue " telle qu elle est , et dans ses murs et de par ses habitants. C est là et c est un peu ainsi , que j ai vécu autrefois , et qu "ils vivent" encore ; à 3/4/5/6 kilomètres à vol d oiseau de votre domicile.Et pourtant vous ne nous avez jamais rencontré.Le grand mérite du réalisateur est ( avec l aide et l amitié) de tous les habitants de sa ville , d avoir pu donner donc , à tous les bobos de France et De Navarre, dont je fais partie aujourd'hui, une image inédite de la quotidienneté déplorable de ces zones délaissées , de " non-droits". Et pour cela on remerciera le réalisateur. Le film est enjoué, bien monté, le rythme est bon ; pour éviter l omnipotence réelle du Rap( souvent pauvre discursivement et musicalement dans nos cités) , le réalisateur a fait le choix "malin" de ne pas en mettre dans son film ( j y vois un mensonge, comme l absence du haschisch , mais bon , passons)Formellement c est bien foutu , sur le fond , comme le film éponyme , c est misérable.La grande faiblesse du film tient en son discours . Le scénario sert la fabrique , très claire , d un discours . (L histoire vous la connaissez : des jeunes de la cité volent un animal de cirque à des gitans ; les flics de la BAC chopent les jeunes voleurs ; il y a bavure policière , elle est filmée , les flics essaieront en vain de récupérer la vidéo qui les incrimine ). Ce discours , sous l aspect "film vérité, sympa, punchy" est d une confondante pauvreté ( et je crains que son succès " main stream " y soit lié, car la paresse intellectuelle qui prend le masque de la critique sociale a souvent eu du succès - à l époque du film "La Haine" par exemple - on entendait les mêmes fadaises critiques sur la véracité du film de Kasowitz; on n en est revenu; et des " misérables" aussi, on en reviendra). Car N est pas David Simons qui veut ( le créateur de The Wire) référence évidente et pour le coup très prétentieuse dans ce film. Avant d écrire la moindre ligne de scénario, David Simons ,qui connaissait bien Baltimore, avec des sociologues , anthropologues, politologues, et bien sûr des scénaristes et gens des bas fonds de la ville la plus criminogène des USA , avait étudié 5 ans , les mécanismes de pouvoirs et de déliquescence. Résultat? Le chef d œuvre : 5 saisons de The Wire , où la situation dans laquelle se trouve les pauvres, est analysée , disséquée et expliquée, avec une finesse inégalée. Dans " les misérables " , on comprend qu on est aux antipodes de the Wire. Le scénario ( probablement pondu en 2 mois) agence et relie des choses vécues (des souvenirs probablement,)ou rapportées( les petites mythologies de la cité ), pour , in fine , en faire une continuité bancale mais qui se laisse voir. Que nous dit on ? Ces zones sont démunies de pouvoirs et structures d état solides, si bien que finalement, la nature ayant horreur du vide, plusieurs types de pouvoirs alternatifs prennent et tiennent , la place . Les flics baqueux , un caïd local ( nommé "le maire" ) , un petit voyou maghrébin ( tenancier de bar me semble t il )les gitans , les frères musulmans. Tous ces groupes là représentent et symbolisent chacun un aspect de ce qui gangrène la cité. C est pauvre ! Car aucun homme ni femme de banlieue ne peut être réduit à un symbole. C est très réducteur . Les femmes , les vieux , les gens Normaux , sont les grands oubliés du film et du discours .En somme "les misérables " montre ( comme souvent dans un film ) la resolution d un problème , par des protagonistes, qui , ne représentent non pas leur humanité, ( des hommes et des femmes )mais symbolisent un type de pouvoir ou de catégorie de personnes ( et en général ça donne du mauvais cinéma ). Là où le vrai neo réalisme de The Wire montrait et dissèquait les mécanismes des pouvoirs en ce qu ils produisent de la pauvreté, le réalisme organisé de" les misérables " , s affaisse à faire s opposer des symboles sans jamais rien expliquer . Les scénaristes , c est là toute leur performance (sic)intellectuelle, nous disent : ce sont tous des misérables . La violence des rapports de classe est complètement oblitérée ( or il n y a pas de ghettoïsés sans ghettoïsatieurs).Tous les misérables ( freres Mus, jeunes ,flics , caïds) sont , nous montre l histoire , ni tout à fait coupables , ni complètement innocents; ils sont " misérables " , Et puis c est tout ! C est ce qu on nomme " enfoncer les portes ouvertes " ou dans un langage plus soutenu : de la tautologie ( un chat est un chat , un pauvre est pauvre , un misérable est miséreux) , soit le niveau zéro de la critique. Et ça les bourgeois ( les politiques, les journalistes, les citadins des centre ville, les festivaleux) quand on leur montre la misère dont ils sont en grande partie responsables ( par leur choix de vote, par le fait de refuser de se mélanger avec nous , par les modèles éducatifs et sociaux qu ils promeuvent) ils adorent ! On les déresponsabilise; on leur hôte le gros mot : lutte de classes et accessoirement racisme. Si le film montre justement l univers misérable en vase clos dans lequel des millions de français vivent , jamais en revanche , pas une seule seconde , il ne montre les mécanismes qui rendent possibles ce vase clos . La fin du film , qui en est sa conclusion est vraiment pitoyable , ou plutôt très triste d un point de vue de la pensée politique , surtout pour un film qui prétend à sa manière , être politique . Les gamins du film , qui ont " la haine" à cause de la bavure dont ils ont été victime, piègent et attaquent à coup de feux d artifice, les keufs et les caïds ; tous ces adultes , qui symbolisent donc les pouvoirs de la cité ( palliatifs à ceux de l état) . Comme si ces gamins et leur misère dépendait de ces pouvoirs là et pas de l éducation et de la responsabilité de leur parents ( l absence parental, la démission paternelle, les problèmes culturels causés par les" sectarismes religieux ", ne sont jamais , ne serait ce qu évoqués réellement).À la fin du film une voix off , explique ainsi la transmission de la violence chez les jeunes : il n y a pas de mauvaise graine , il n y a que de mauvais cultivateurs. ( ils utilisent , pour les bourgeois pour qui ce film est fait , l argument d autorité qu est la parole de Victor Hugo) Sans cette phrase je défie quiconque de comprendre ce que les scénaristes auraient voulu dire !!! Le discours aurait été illisible !!! Preuve s il devait en être de la faiblesse du discours .....il y aurait même pu avoir un contre sens de fait : un film pro " frères musulmans" , qu il n est pas , bien entendu . Mais , vous remarquerez que le groupe des " frères musulmans" dans ce film est complètement dédouané de toute responsabilité. Je ne pense pas que le réalisateur soit " pro frère musulman", simplement, moi qui connaît bien l esprit qui reigne dans les cités , et en France ( après l attentat de Charlie)je crains que lui et les producteurs aient eu le courage de les désigner responsables (...)de cette détresse dans les cités ( entendons par là la manière dont ils - les frères M- s immiscent dans les esprits faibles et captifs, pour donner de fausses solutions !) au même titre que les flics ou les caïds. En résumé : film qui vaut d être vu par ceux qui n ont jamais fichu un pied dans nos cités.Plaisant sur la forme , mais sur le fond , scenaristiquement, d une confondante pauvreté. Un gâchis . Politiquement méprisable.