Nanni Moretti se renouvelle avec "Tre Piani", puisque la forme chorale est inhabituelle pour le cinéaste et c'est la première fois que ce dernier adapte un roman. Ce qui frappe dans les premiers instants, c'est l'aisance avec laquelle Moretti passe d'une histoire à une autre, présente les drames familiaux qui nouent le récit sous une forme claire et épurée. Les sujets traités sont lourds (détestation d'un père pour son fils, une mère dépressive qui souffre de l'absence de son mari, un homme qui trompe sa femme et persuadé que leur fille a été violée par leur voisin), mais d'abord traités avec une délicatesse d'écriture qui rend possible l'identification aux personnages et certaines scènes vraiment touchantes (celle où la petite fille est retrouvée dans le parc, est tendue sur le fil de l'opposition entre innocence et rage immodérée). Moretti n'essaye jamais de lier à tout prix les trois récits entre eux – ce qui aurait été artificiel –, mais les joint par l'idée d'une douleur à laquelle il convient de se confronter. Néanmoins, la fluidité du montage et du scénario se délite progressivement, à cause d'une surenchère dramatique qui rend inopérante l'émotion : là où des films comme "Habemus Papam" et "Mia Madre", eux aussi très douloureux, étaient empreints d'un humour qui procurait une indéniable vitalité, "Tre Piani" fait le choix de ne pas contrebalancer le drame : rien, hélas, ne vient s'accoler à la succession de moments terribles, lesquels s'enchainent selon des ficelles narratives académiques (le thème de la maladie mentale, amené avec des gros sabots ; l'intrigue juridique autour du prétendu viol, vue déjà cent fois au cinéma), et rendent la seconde partie du film franchement morose. Le film s'étire inutilement, et ne va même pas au bout de ses idées en concluant sur une réconciliation absolument pas crédible, qui arrive de nulle part. On espère que Moretti se relèvera de de film, qui n'est pas catastrophique comme ont pu l'affirmer certains critiques, mais qui demeure nettement en deçà des précédentes créations du cinéaste transalpin.