Proportionnellement à leur population, les Danois font sans aucun doute le meilleur cinéma d’Europe ! Ils comptent Lars von Trier, Thomas Vinterberg et Nicolas Winding Refn dans leurs rangs, créent d’excellent polars urbains et de non moins consommables films de guerre, les comédies noires de Anders Thomas Jensen sont complètement dingues et même, d’après ce que je vois, ils n’ont apparemment de leçons à recevoir de personne en matière d’animation. Pas au niveau technique, non, le trait est enfantin et finalement assez quelconque...et s’il est mignon et propice à l’humour, le concept d’une poupée possédée par l’esprit d’un ancien ninja justicier n’est pas non plus d’une originalité flamboyante. Sauf que dès la scène d’ouverture, les réalisateurs décident de mettre le nez du jeune spectateur dans les conditions sordides dans lesquelles sont fabriqués les jouets des enfants occidentaux, en Thaïlande : un industriel occidental débarque dans l’atelier et, sans sourciller, tue un des enfants-esclaves à coup de matraque pour une banale erreur. Rien que ça, ça calme. Ensuite se noue l’alliance étrange du jouet et du gamin d’Europe...mais pas de la manière dont les codes du film familiaux nous l’ont inculqué : le gamin n’en a pas grand chose à faire de ce qui s’est passé loin en Asie, il souhaite simplement utiliser la ruse de se poupée-ninja pour devenir populaire à l’école, tandis que le jouet ne conçoit sa vengeance que dans le sang : la solution qui sera privilégiée au final sera peut-être encore plus étrange, compte tenu du public visé. Autour du duo gravitent des personnages qu’on n’a pas vraiment l’habitude de voir dans ce genre de productions : des parents bio-bobo grotesques, un grand frère obèse et malveillant ou encore un vieil oncle alcoolique et margoulin, grand lecteur de magazines dont les pages collent..!. Que ce soit à des fins humoristiques - et le résultat se montre plus qu’efficace de ce point de vue - ou pour poser des constats cyniques sur de nombreux sujets, ‘Mon nin ja et moi’ ne connaît ni la langue de bois, ni les tabous en vigueur dans le reste du monde dès lors qu’on s’adresse à des enfants ou même à des ados. Alors que tant de films d’animation perçoivent leur public comme de petites choses fragiles et vaguement débiles, en découvrir un qui n’a pas peur d’appeler un chat un chat est une véritable aubaine, quitte à ce qu’il puisse souvent paraître rude et pas toujours hyper adapté aux spectateurs de moins de 10 ans. Et pourtant, la manière radicale et sans faux semblants dont il aborde certains sujets a le mérite d’être tout à fait unique !