Lorsqu'il était enfant, Samuel Kishi Leopo est parti à Santana California avec sa mère et son frère dans le but de vivre une meilleure vie : "Nous sommes partis avec très peu de choses dont un magnétophone portable. Tous les matins, ma mère nous laissait seuls avec pour seule distraction ce petit appareil où elle avait enregistré pour nous des histoires, des leçons d’anglais ou encore des règles domestiques. J’entends encore sa voix lorsqu’en partant pour le travail, elle nous disait que si elle nous manquait, il nous suffisait d’enfoncer la touche play pour entendre sa voix. C’est ainsi que nous avons grandi, d’une certaine manière, avec deux versions de ma mère. D’une part la vraie et d’autre part, sa seule voix."
Samuel Kishi Leopo a ensuite fait des recherches et a renoué avec une partie de sa famille qui s’est installée en Californie. Sa cousine, photographe et documentariste, a régulièrement travaillé auprès de réfugiés aux USA. Grâce à elle, il a pu les rencontrer, ce qui a nourri l’écriture de Los Lobos.
Le budget de Los Lobos était insuffisant pour tourner en Californie. La productrice Laetitia Carrillo a donc cherché des villes moins chères allouant des aides et des réductions d’impôts. Samuel Kishi Leopo s'est alors rendu au Nouveau Mexique, plus précisément à Albuquerque. Une ville qui, selon lui, semble être restée dans les années 1990. Le réalisateur précise :
"Une ville où se retrouvent pas mal d’immigration, de déclassement social et des problèmes de trafics de drogue. Une ville multiculturelle avec des mexicains, des asiatiques, des afghans mais également des natifs américains et des afro-américains. Une ville comme blessée, avec des cicatrices apparentes et j’aimais cette idée d’un décor qui soit une projection de leur douleur."
Samuel Kishi Leopo a vécu à Albuquerque pendant un mois pour s’imprégner de la ville. Le cinéaste voulait qu'elle soit représentée soit à l’écran comme une incarnation du rêve américain : "Sa réalité concrète. Sa violence. Tout ce que mes héros allaient éprouver. Je n’ai eu que six semaines pour filmer, il fallait donc tout engranger."
La lumière a constitué la première difficulté de tournage car elle changeait très vite et Samuel Kishi Leopo devait tourner vite. Le cinéaste se rappelle : "D’autant que filmer avec des enfants signifie que vous ne pouvez pas tourner plus de six heures par jour. Imaginez un peu l’adrénaline. Octavio Arauz, le directeur de la photo a donc passé des journées entières dans l’appartement, arrivant très tôt le matin et partant très tard, afin de repérer les meilleurs moments pour éclairer et filmer. Il me donnait un cahier des charges extrêmement précis et drastique du genre : 'Là tu peux tourner cette scène mais en trois quarts d’heure maximum'. Pas une minute de plus. Il fallait donc que toute l’équipe s’adapte."
Samuel Kishi Leopo a choisi une focale qui crée une légère anamorphose sur les contours de l’image et lui confère un côté mémoriel doublé d’une touche de nostalgie. Mais cette focale lui permettait surtout d’être au plus proche des personnages. Le réalisateur raconte : "Nous filmions à moins d’un mètre ce qui donne cette impression d’immersion. Ils sont isolés, coupés du monde mais protégés. En même temps, dès que la caméra regarde vers l’extérieur, le paysage urbain envahit l’écran, imposant son ambiance et rompant l’impression de huis-clos. Du coup, j’ai filmé des plans de coupes en rupture marquée."
A la lecture du scénario, Martha Reyes Arias (qui interprète le rôle de la mère) a expliqué à Samuel Kishi Leopo que son personnage manquait de réalisme. Le metteur en scène se souvient : "Ce n’était pour elle ni une vraie femme ni une vraie mère. Elle trouvait que c’était une mère pour les publicités. Elle voulait son personnage le plus crédible et le plus complexe possible. Martha m’a surtout parlé de cette solitude poignante après avoir rencontré des femmes immigrées sur leur lieu de travail sans leur révéler que c’était pour un film. Et elle avait raison. Je voulais en faire une mère courage mais j’avais minoré le fait qu’elle était seule, loin de chez elle et qu’elle manquait de temps et parfois de patience."