Lorsqu'on lui demande dès le premier plan où elle apparaît si Bella vient pour le travail où pour le plaisir, Ninja Thyberg pose tout de suite l'ambiguïté de l'industrie de la pornographie, milieu où le plaisir et les limites sexuelles sont encadrés dans un ensemble professionnel et financier, et qui constituera le thème majeur du film qui sera construit jusqu'au bout. "Pleasure" pouvait partir dans le sordide où dans le sur-réalisme, il choisit finalement une voie entre les deux, en abordant cette industrie d'un point de vue clinique.
Clinique, tant on montre chaque aspect de l'industrie pornographique avec une froideur et un sérieux absolu : les contrats à signer pour sécuriser qu'il n'y ait pas de plainte post-tournage. La gestion des acteurs et des actrices sur le plateau, la pression générale qui règne du fait qu'une journée de tournage coûte cher. Thyberg déconstruit ainsi tout le processus d'un tournage pornographique, du moment où on place les actrices sur un tournage jusqu'à la douche post-coït. Le film n'oublie également pas tout ce qu'il y a autour, que ce soient les réseaux sociaux où les soirées mondaines où l'avenir d'une carrière peut se jouer.
Tout ça, Bella le traverse avec un mélange de peur et de détermination. Elle veut être actrice pornographique, elle est prête à aller loin, même si elle aura besoin de se trouver du courage pour progresser dans ce milieu. La route sera longue, mais est ce qu'elle en voudra le coup ?
Thyberg porte énormément d'attention sur tout ce qui cadenasse cette industrie, ce qui fait que ce qui n'est pas juste reste caché loin des yeux du grand public. Pourquoi une actrice est elle prête à cacher les pires actions d'un être humain pour continuer de progresser, le film prendra le temps de construire le chemin qui mène à cela. Que ce soit concernant les rivalités, les non-dits, jusqu'à qu'elle point on est prêt à repousser nos limites et ce qui nous définit pour ne pas être mis à la porte, rien à reprocher de ce côté-là.
Le film ne reste malheureusement pas absent de faiblesses : souhaitant raconter l'histoire d'une jeune suédoise arrivant à L.A, le film baigne dans un style film indé West Coast que je trouve usé depuis un certain temps et qui ne m'exprime que de l'ennui. Le rythme se veut sec, mais cette volonté attire souvent des faiblesses de coupes, certaines scènes s'arrêtant bien trop brutalement et l'enchaînement se fait de manière maladroite (dommage, tant l'une des scènes majeurs se situant au milieu du film est un exemple de bon montage). Le rythme se veut sec, mais cette volonté attire souvent des faiblesses de coupes, certaines scènes s'arrêtant bien trop brutalement et l'enchaînement se fait de manière maladroite (dommage, tant l'une des scènes majeurs se situant au milieu du film est un exemple de bon montage).
De manière générale, on se retrouve face à un film au propos essentiel, mais qui rate le coche par moment, notamment dans son approche du sexe : avec son ouverture sonore sur fond noir, vu et revu, "Pleasure" arrive à l'heure sur les questions du féminisme, mais traite le sexe d'une façon qui semble un peu daté sur certains points, tant le film arrive trop longtemps après des œuvres déconstruites comme "Nymphomaniac" où "Love" concernant le sexe, et plusieurs décennies après "Boogie Man" de Paul Thomas Anderson qui cherchait déjà à nous révéler l'envers du décor de la pornographie. Trop classique et important à la fois, montrant le sexe de manière nouvelle, mais nageant dans un style west coast dépassé, le film se retrouve malheureusement dans un ensemble bâtard.