Mettre en scène une œuvre sur l’industrie du cinéma hard est un exercice particulièrement ardu puisque si l’on se résout à être trop généreux en images sexuelles à caractère pornographiques, on écope d’un classement adulte de film X. Et le film prendrait également le risque de se faire taxer de voyeuriste ou d’extrême complaisance. A l’inverse, si l’on fait le choix de ne rien montrer, le long-métrage pourra passer pour timoré et sera critiqué d’avoir eu peur de son sujet. Et, surtout, il sera d‘autant plus difficile de prendre le véritable pouls de ce microcosme singulier, fascinant et effrayant à la fois. En cela « Pleasure » a su quasiment trouver le bon équilibre toute la durée du film avec une maîtrise très appréciable pour un premier film, n’allant ni dans le putassier ou le racoleur mais sans être non plus timide ou ne rien montrer de son sujet. Bien que très loin d‘un film porno, comme le « Baise-moi » de Virginie Despentes par exemple, cela demeure une œuvre à ne pas mettre sous tous les yeux vu le domaine plus que particulier étudié ici et à cause de certaines scènes de sexe non simulées suggérées ou très explicites en plus de pratiques peu recommandables et extrêmes présentées ici. Mais la cinéaste Ninja Thyberg ose confronter son regard de femme à cet univers unique en son genre, source de fantasmes autant que de dérives. Et elle le fait admirablement bien en osant montrer l‘envers du décor, en rectifiant des choses et en abordant des thèmes rarement vus, même ceux qui fâchent, sans tomber dans le piège de devenir un film à la limite de la pornographie. On verra donc plutôt « Pleasure » comme une fiction rare, mâtinée de documentaire et d’investigation sur l‘industrie du X. Un voyage que l’on vivra à travers le personnage d’une jeune actrice suédoise voulant devenir une star du X. Grâce à elle, son regard, ses émotions, le spectateur va être plongé dans les arcanes d’une industrie hors de contrôle.
Le choix de la réalisatrice de donner à son film des teintes colorées, une image très soignée et travaillée, presque léchée, est d’emblée une bonne chose. En effet, la plongée dans ce milieu prend des détours parfois glauques, voire extrêmes ou insoutenables dans certaines scènes, pour un public non averti. Si l’image était volontairement sale ou filmée caméra à l’épaule, cela aurait pu rendre le fil nauséeux et vraiment très déplaisant. C’est très bien mis en scène mais en restant réaliste, sans enjoliver quoi que ce soit, et on a même droit à des plans sublimes sur Los Angeles qui se positionne décidément comme l’une des villes les plus cinégéniques au monde. D’ailleurs, cette plastique flatteuse à l’œil montre bien le fossé entre la surface et les côtés obscurs de l’industrie. Ici, on n’édulcore pas, on n’embellit pas non plus, on essaie d’être le plus objectif possible. Au final, on est donc pris par cette histoire personnelle et individuelle baignée dans le monde du porno qui se positionne comme un état des lieux d’une industrie qui n’a pas forcément belle publicité et à raison. Certains sujets vraiment délicats sont juste suggérés, voire zappés, comme le viol, la prise de produits stupéfiants voire les violences mais d’autres sont montrés de plein fouet comme la demande de pratiques de plus en plus extrêmes. Le machisme de la profession et la féminité bafouée sont en revanche bien exposés. On est loin, très loin, du magistral « Boogie Nights » de Paul Thomas Anderson qui nous apparaît bien sage comparé à ce « Pleasure ». Néanmoins cette introspection d’un milieu méconnu et tabou est plaisante et passionnante de bout en bout. Aussi grâce à l’incroyable performance, sans tabou elle, de son actrice principale. Un film choc mais pas bête, bien fait et instructif.
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