Sur le front de la Première Guerre Mondiale, une mystérieuse balle est extirpée du corps d'un capitaine blessé. Trente-cinq ans auparavant, une famille aisée et les habitants d'un village à proximité furent les proies d'une terrible malédiction...
Enfin un film de loup-garou qui tente de redonner ses lettres de noblesse à ce mythe souvent si malmené par le cinéma contemporain ! Non pas par les ingrédients scénaristiques de son contenu: pris en tant que tels, ceux de "The Cursed" s'inscrivent dans la droite lignée des classiques du genre et enferme le film dans un canevas avec très peu de velléités originales au premier abord. On ne va pas le nier, on ressent même un fort sentiment de déjà-vu devant les grandes lignes de sa malédiction, de ce retour de flammes sur une classe aisée se croyant à l'abri des conséquences de ses actes, des fautes se répercutant d'une génération à une autre ou encore face à des personnages aux caractéristiques maintes fois croisées (à commencer par son héros en mode Van Helsing scientifique, taiseux et habité par les souvenirs d'un passé tragique sans surprise).
Mais la qualité du traitement de Sean Ellis fait ici toute la différence ! Sa manière d'aborder, d'exalter ces piliers du genre entre eux va se faire sous l'égide d'un réalisme salvateur trouvant un très intéressant équilibre entre la violence d'une époque et celle de sa créature imaginaire chargée d'y répondre. De cette façon, si dans un premier temps les superstitions gitanes et les visions surnaturelles vont faire suite aux dérives innommables de la classe dominante, c'est pour mieux ensuite lâcher la bride à la brutalité carnassière d'un loup-garou approché avec une surprenante rationalité en écho à la fois à la souffrance bien réelle des morts dont il est le bras armé et à la traque scientifique de son chasseur, conscient du mode opératoire viral suivi par ce mal.
En plus de l'atmosphère lugubre innée du cadre austère de cette ruralité française laissée dans sa bulle de brouillard (belle réactualisation naturaliste d'effluves "hammeriennes" sans chercher à les singer par des artifices futiles) et de quelques idées de mutations visuellement originales, cette rage vengeresse, inéluctable pour tous les bourreaux réduits désormais à l'état de proies fébriles (touchées parfois au plus près de leur intimité pour mieux les renvoyer dans les cordes de leur aveuglement), voit l'impact réaliste de bon nombre de ses tableaux punitifs amplifié par l'astucieuse trouvaille d'inscrire le récit dans la continuité d'une véritable énigme historique, lui permettant de facto de bénéficier de son aura mystérieuse -toujours intacte aujourd'hui- et de lui donner des suites inédites, forcément plus captivantes que des origines purement fictives.
En résumé, "The Cursed" est donc une offre lycanthropique qui s'aventure dans le champ d'une horreur respectueuse des codes de ses plus illustres modèles mais qui, dans le même temps, ose les mettre au service d'un vrai film de vengeance pleinement inscrit dans la noirceur de son époque, où le fantastique se mue en une réponse implacable, matérialisée au plus près du réel afin d'épouser les contours de l'ignominie humaine qui y a fait son nid pour lui infliger la sauvagerie de son courroux. Comme quoi, il suffit parfois de la vision d'un seul homme, en l'occurence Sean Ellis, pour redonner du poil de la bête à une créature incontournable du cinéma de genre ! Mention spéciale également à Boyd Holbrook, parfait en fin traqueur de son adversaire.