Les portes claquent
C’est le 1er film de Saeed Roustayi, cinéaste iranien de 32 ans, et c’est un véritable coup de poing. En Iran, la sanction pour possession de drogue est la même que l’on ait 30 g ou 50 kg sur soi : la peine de mort. Dans ces conditions, les narcotrafiquants n’ont aucun scrupule à jouer gros et la vente de crack a explosé. Bilan : 6,5 millions de personnes ont plongé. Au terme d'une traque de plusieurs années, Samad, flic obstiné aux méthodes expéditives, met enfin la main sur le parrain de la drogue Nasser K. Alors qu’il pensait l'affaire classée, la confrontation avec le cerveau du réseau va prendre une toute autre tournure... 134 minutes étouffantes, oppressantes, haletantes, incandescentes, qui passent à toute allure dans un véritable tourbillon. Un film qui, d’entrée, frappe très fort et ne nous lâche plus un seul instant.
Le phénomène de l'addiction au crack en Iran, au centre de La Loi de Téhéran, est très peu connu du public occidental. Ces dernières années, la toxicomanie a changé de visage en Iran. Elle est sortie de la clandestinité pour se révéler au grand jour. De plus en plus de toxicomanes sont visibles dans la rue. Chaque jour, ce sont plus de 10 tonnes de drogue qui sont consommées en Iran ! C’est ce constat qui a donné l’idée à ce jeune cinéaste de réaliser d’abord un documentaire, avant que la fiction ne s’impose. Pour commencer sa recherche, Saeed Roustayi a passé plusieurs jours à la brigade des stupéfiants, puis en prison et au tribunal. Une immersion qui a permis au metteur en scène de mieux comprendre la situation des toxicomanes inculpés, mais aussi de rencontrer des policiers et un juge dont les conseils ont été précieux. Ce film oscille entre polar, film de procès, cinéma de genre voire comportementaliste. Le réalisateur a évidemment dû faire face à la censure iranienne. Après un combat de 7 mois, il n’a concédé que de légers changements qui ne changeaient profondément son projet. On est sans cesse partagé entre les deux parties qui s’affrontent ? Difficile de s’apitoyer sur le sort réservé – hormis la peine de mort, qui on le voit, ne résout rien – à des trafiquants dont les méthodes donnent la nausée. Mais que penser, a contrario, des méthodes policières et judiciaires ? A aucun moment ce drame n’est binaire ou manichéen. Je vous laisse juge à votre tour.
Côté casting, deux grands acteurs, Navid Mohammadzadeh et surtout Payman Maadi, repéré il y a plus de 10 ans chez Asghar Farhadi entre autres dans La Séparation. A noter l’apparition de la très jolie Parinaz Izadyar. Mais, tous les comédiens, de la tête d’affiche jusqu’au plus petit rôle sont à réunir dans les mêmes éloges. La mise en scène est virtuose en particulier les scènes de foule très impressionnantes. Ce film était considéré comme indésirable, ce qui a entraîné beaucoup de pressions. Une fois qu'il a été tourné, c'est la brigade des stupéfiants qui a cherché à empêcher sa sortie. La Loi de Téhéran est devenu un des plus gros succès populaires en Iran. Un succès qui vient donc de sa véracité, et du processus d'identification qu'il suscite auprès du public. Polar, action, drame, docu, film social ? Tout cela à la fois mais simplement un très grand film.