Avec "Josey Wales" qui est passé jeudi sur France3, je me permets de commencer cette année mon cycle western par "La rivière rouge".
Premier western d'Howard Hawks qui se base sur le roman original de Borden Chase, "The chilsom trail". Non content de la relecture d'Hawks, Borden Chase (le futur écrivain de "Vera Cruz") décida de quitter l'aventure. Le réalisateur, tout juste sorti du "Grand sommeil" (avec le couple Bogart-Bacall), engagea un jeune scénariste pour créditer le nouveau scénario, Charles Schnee (qui faisait partie de l'équipe des "Amants de la nuit" de Nicholas Ray et qui écrira le script des "Furies" d'Anthony Mann et des "Ensorcelées" minelliennes. Rien que ça !).
De plus, Howard Hawks décida de financer son projet tout seul en s'écartant d'Hollywood. C'est ainsi qu'il a fondé la production Monterey en association avec Charles K. Feldman, le futur producteur du sulfureux "Un tramway nommé désir". Cette expérience s'avérera être un échec. Dès lors, il collaborera régulièrement avec une major.
Synopsis de "La rivière rouge" : seul rescapé de l'attaque d'un convoi de pionniers par les indiens, un jeune homme va fonder, avec le soutien de son père adoptif, un cheptel. Mais quand il s'agit de gagner de l'argent, tous les moyens sont bons. Même celui de désobéir à son père, le trouvant trop dur avec ses hommes de main, chargés d'escorter le convoi de plusieurs milliers de bêtes.
Dans le rôle du père adoptif, John Wayne en impose, et grâce à son charisme, arrive à porter le film sur ses épaules. Fort de ces expériences antérieures ("La chevauchée fantastique", et la même année, "Le massacre de Fort Apache", "Le fils du désert"), il prend le contre-pied des idéaux de ses anciens personnages en se revendiquant meilleur rancher des États-Unis : il casse ainsi l'image qu'il véhiculait chez le classicisme fordien. En cela, rien que le côté flingueur de John Wayne ainsi que la manière de porter l'image du vrai-faux héros préfigurait le genre du western spaghetti initié par Anthony Mann en 1955 avec son "Vera Cruz" (dominé par le duo Cooper/Lancaster). John Wayne est non seulement la marque de "La rivière rouge" mais apporte du sang neuf au genre. Merci Howard Hawks !
Tout en restant côté casting, on peut noter la présence de Harry Carey Sr (l'un des grands amis de John qui représentait la figure incontestable du western des années 1920-1930), son fils Harry Carey Jr (il jouera de nombreuses fois sous la houlette de John Ford après la mort de son père : "Le fils du désert", "Rio Grande", "Les deux cavaliers"...). Il s'agit ici de l'unique collaboration entre le père et le fils, bien qu'ils n'aient aucune scène en commun !!! Walter Brennan (le futur Stumpy de "Rio Bravo", c'est lui !!), parfait et parfois désopilant à souhait, et John Ireland (déjà vu dans "La poursuite infernale" (avec Fonda) et au début de sa carrière, il tournera pour John Sturges (Règlements de compte..."), Kubrick ("Spartacus")...), impeccable lui-aussi accompagnent le jeune Montgomery Clift dans son deuxième rôle au cinéma !! (et revu chez Dmytryk et Huston parmi tant d'autres), et Joanne Dru (marquant sa toute première apparition au cinéma, elle jouera ensuite dans "La charge héroïque", "Le convoi des braves") qui porte le style féminin du film. Cette dernière casse avec les conventions pour nous asséner l'image d'une femme déterminée. Encore bravo Hawks !
Sans parler de la musique, vieillotte tout simplement, on peut remarquer qu'il s'agit de Dimitri Tiomkin. Compositeur de "La vie est belle" (de Capra bien sûr !), "Le train sifflera trois fois", Rio bravo" et "Alamo" pour ne citer que ceux-là. Tous mes hommages, Monsieur Tiomkin !
Ajoutons là-dessus la mise en scène d'Howard Hawks, un peu classique au début du film et qui se révèle enlevé en deuxième partie. Pour une première, Hawks casse ainsi les codes pour se les réapproprier. Sens du rythme, parfois languissant, et duel final (qui n'en est pas un d'ailleurs !) vont de pairs avec avancement de l'histoire et montage à l'ancienne. Tourné de manière classique mais révolutionnaire pour le genre (annonciateur des prémices du western crépusculaire avec Wayne dans un contre-emploi), Howard Hawks imprègne tout son savoir-faire dans l'un des meilleurs westerns, en 1949 (mais plus aujourd'hui).
Pas un chef d’œuvre, mais un film culte pour toutes ces raisons. Un incontournable donc, et forcément un classique aujourd'hui.
Cinéphiles, regardez pour la famille Carey et Tiomkin. Spectateurs, pour un enrichissement culturel certain, tout simplement. Avis pour les fans de John Wayne.