La Hammer n’aura pas attendu longtemps pour transformer "La revanche de Frankenstein" en saga puisque, un an à peine après la sortie du premier opus, elle a réuni la même équipe pour cette suite. On retrouve, ainsi, l'excellent Terence Fisher à la réalisation, Jimmy Sangster à l’écriture et le fantastique Peter Cushing qui reprend son rôle de Victor Frankenstein. La fin de l’épisode précédent laissait, pourtant, le personnage dans une bien mauvaise posture,
au pied d’une guillotine dressé en son honneur
. Poule aux œufs d’or oblige, il était hors de question de se passer d’un personnage aussi riche que le brave Baron et d’un acteur aussi extraordinaire que Peter Cushing. Ainsi, ni vu, ni connu, Frankenstein échappe à
la guillotine
(par le biais d’un artifice scénaristique pas forcément très clair et encore moins crédible) et poursuit ses recherches sous un nom d’emprunt. Passé ce twist scénaristique invraisemblable (mais qui participe au charme des productions de la Hammer,
un peu à l’image des multiples résurrection de Dracula
), "La revanche de Frankenstein" fait mieux qu’assurer le minimum syndical et s’inscrit dans la droite lignée des productions de l’âge d’or de la Hammer (parmi lesquels "La cauchemar de Dracula", "La malédiction des Pharaons", "Le Chien des Baskerville", "Dracula - Prince des Ténèbres"…). Tout est là, de la mise en scène posée qui aime se ménager des moments gentiment glauques (le cerveau fraîchement extrait déposé dans le bocal, les plans sur les cadavres…) et des moments de tensions (appuyés par des effets sonores pompiers) à l’impeccable musique d’ambiance en passant par un soin tout particulier accordé aux décors et une galerie de seconds rôles intéressants (Oscar Quitak en volontaire inconscient, Lionel Jeffries en balayeur fouineur, Eynice Gayson en parfaite idiote…). Le scénario laisse craindre, dans un premier temps, une redite paresseuse du premier épisode mais on s’aperçoit rapidement, que le film est plus riche que ça et qu’il s’intéresse aux points de vue de plusieurs personnages, (là où "Frankenstein s’est échappé" valait essentiellement par la seule obsession du Baron). Ici, le classieux Frankenstein (Peter Cushing donc, toujours aussi habité par le rôle) reste obnubilé par la réussite de son projet même s’il apparaît moins jusqu’au-boutiste que dans l’opus précédent
(il ne tue pas volontairement ici et se "contente" d’amputer des indigents malades pour se constituer un corps).
A ses côtés, le jeune Dr Kleve (formidable Francis Matthews) tranche avec les jeunes premiers habituels de ce genre de productions. On est loin du novice admiratif dans un premier temps, puis rétif face à l’horreur, auquel on a quasiment toujours droit puisque l’élève de Frankenstein apparaît ici tout aussi obsessionnel que son maître. Enfin, le film accorde une place plus importante au "monstre" (Michael Gwynn) qui n’en est pas vraiment un d’ailleurs puisqu’il ne s’agit pas d’une créature créée par assemblage de pièce mais
d’un corps mort à qui on transplante un cerveau vivant (formidable époque pour les scénaristes !)
. On peut d’ailleurs considéré (à juste titre) que les raisons qui conduiront au désastre
(à savoir des coups portés sur la tête du malheureux Karl pas encore remis de sa transplantation)
ne sont pas forcément des plus subtils. De même, les effets de mise en scène, un peu grossiers, censés appuyer son aspect horrifique (effets de lumière, musique stridente, interprétation cabotine…) sont plus amusants qu’effrayants et confirment que l’intérêt du personnage est ailleurs… c'est-à-dire dans son
profond mal-être qui l’ont conduit à accepter l’opération proposé par Frankenstein pour quitter ce corps difforme
. On retrouve, donc, toute cette problématique de la créature victime de son créateur, ce qui apporte toujours une valeur ajoutée lorsqu’on évoque le mythe de Frankenstein. Pour autant, bien que la volonté de prendre ses distances avec le précédent opus soit appréciable, le "Monstre" reste bien moins marquant sur un plan visuel. Le souvenir de la créature formidablement pathétique campée par Christopher Lee dans l’opus précédent est encore vivace et on est en droit d’attendre un peu plus d’horreur pour une production Hammer qui, une fois n’est pas coutume, a peut-être trop voulu s’éloigner du cahier des charges maison. C’est peut-être ce qui explique son échec lors de sa sortie en salles. A moins que les grosses ficelles qu'aime utiliser le scénario à intervalles réguliers
(l'opération qui parait d'un simplicité enfantine, Karl qui s'évade alors qu'il sait que c'est dangereux pour lui, la jeune Margaret qui va desserrer ses liens alors qu'elle sait qu'elle ne doit rien toucher, Frankenstein qui s'est constitué un corps à son , ce qui laisse présager de la fin du film...)
. La tentative reste intéressante et le film est incontestablement réussi pour tout fan de la Hammer…