Des Hommes
Les fracassés
J’ai une passion pour le cinéma du belge Lucas Belvaux. Après les excellents 38 témoins, Pas son genre et Chez nous, il nous propose un drame historique, genre nouveau pour lui, 100 minutes de très grande tension servies par un casting 3 *. Ils ont été appelés en Algérie au moment des "événements" en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d'une journée d'anniversaire, d'un cadeau qui tient dans la poche, pour que quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier. Malgré un sujet très fort, d’incontestables qualités de mise en scène et d’interprétation, la grande confusion du récit m’a beaucoup gêné pour apprécier totalement ce qui aurait dû être un grand film. Dommage ! Peut-être en attendais-je trop ?
Ce drame de guerre est adapté du roman éponyme de Maurent Mauvignier. Belvaux parvient à faire naître la tragédie de l’insignifiant, de l’ordinaire, du silence. Ici, ce qui est gênant, ce sont les flash-backs, les soliloques, le récit non chronologique au fil de la pensée des différents personnages. Pourquoi pas, mais on est très vite complètement perdu, les fameux retours en arrière se faisant sur plusieurs périodes différentes, et surtout, on a un mal fou à reconnaître les jeunes hommes physiquement et vocalement. Je m’explique. Quand les voix off sont celles des têtes d’affiche du film, pas de problème, leurs voix sont parfaitement reconnaissables. Mais quand il s’agit de celles de jeunes acteurs quasi inconnus, on ne sait plus qui nous parle. Ce qui reste par contre dans les cœurs à la sortie de ce drame, ce sont les souvenirs, la culpabilité, les blessures secrètes et les marques indélébiles que la guerre laisse dans les consciences. Pour ceux qui en sont revenus, cette guerre ne s’est jamais terminée parce qu’on ne l’a jamais nommée, jamais considérée comme telle. Comme s’ils ne s’étaient jamais battus. Pour beaucoup, ce fardeau reste trop lourd à porter, même près de 60 ans plus tard. A voir pour le thème et l’interprétation hors pair.
Mutique et explosif, Gérard Depardieu nous fait son numéro habituel… mais on ne se lasse jamais d’un acteur majuscule. Catherine Frot et Jean-Pierre Darroussin sont évidemment parfaits… et ce n’est pas une surprise. Je n’en dirais pas autant du jeune Yoann Zimmer, - Depardieu jeune ??? -, transparent, sans charisme, fade à souhait… bref on n’y croit pas un instant. On dit souvent que les anciens d’Algérie n’ont rien raconté. Moi, je me demande si on n’a bien voulu les écouter. Sur le fond, un film puissant sur les ravages de la guerre. Sur la forme…L’aspect cinématographique du roman reste entièrement à prouver. Déception.