Certaines et certains d'entre vous sont sans doute trop jeunes pour savoir que, à la fin des années 50 et au début des années 60, il ne pouvait pas être question, dans les sphères gouvernementales, de parler de guerre d'Algérie. Non, ce qui se déroulait de l'autre côté de la méditerranée, c'était des évènements, et l'armée française était là-bas pour pacifier un bout du territoire français. Il n'empêche, non seulement on continue de payer de façon plus ou moins indirecte les conséquences de ce conflit, mais, en plus, toute une génération de jeunes a payé un lourd tribut à cette défense de certains intérêts. Pendant des années, de jeunes hommes ont été contraints de partir se battre pour une cause qui ne les concernait guère, certains, beaucoup trop, ne sont jamais revenus, d'autres sont revenus avec des blessures physiques, la plupart avec des blessures psychologiques plus ou moins graves. Adaptation du roman homonyme de Laurent Mauvignier, "Des hommes" s'efforce de montrer de façon réaliste tout ce que ce conflit avait d'horrible, avec les atrocités commises par un camp et celles commises par l'autre camp, avec les cicatrices laissées par ces atrocités chez ceux qui les ont vécues. Le film commence dans un village du Morvan, sans doute au début des années 2000 et on y rencontre Bernard, dit Feu-de-Bois, un homme qui est parti en Algérie dans un état de fragilité qui était déjà assez prononcé, à la fois odieux et cherchant à se faire pardonner, et qui est revenu totalement haïssable. On rencontre Rabut, son cousin, revenu beaucoup moins abimé et qui ne supporte plus la présence de Bernard. Petit à petit, des flashbacks apparaissent, montrant donc ce qui se passait en Algérie aux alentours de l'année 1960, des flashbacks qui finissent par complètement phagocyter le film.
Curieusement, le film semble partager le public en deux camps : celles et ceux qui apprécient la première partie, plus ou moins contemporaine, et beaucoup moins la seconde, celle qui montre les réalités du conflit ; et puis celles et ceux qui ont l'avis totalement inverse. On me permettra, je l'espère, de n'être ni dans un camp ni dans l'autre : pour moi, les deux parties sont d'un égal intérêt mais elles ne sont toutes les deux que partiellement réussies (ou partiellement ratées, si vous préférez). Dans la première, Gérard Depardieu, l'interprète de Feu-de-Bois, n'est pas au sommet de son art, la scène où on le voit et on l'entend grogner seul dans la campagne étant même particulièrement ratée. Par contre, rien à redire quant au jeu de Jean-Pierre Darroussin (Rabut) et de Catherine Frot (Solange, la sœur de Feu-de-Bois). Dans la seconde partie, on apprécie le jeu des deux jeunes comédiens qui interprètent Bernard et Rabut jeunes (le comédien belge Yoann Zimmer pour Bernard et Edouard Sulpice, déjà excellent dans "A l'abordage" de Guillaume Brac, dans le rôle de Rabut jeune), mais on renâcle devant le côté confus du récit. En résumé, on se félicite que ce sujet de la guerre d'Algérie fasse de nouveau l'objet d'un film (il n'y en as pas tant que cela) mais, d'un autre côté, on attendait mieux de la part de Lucas Belvaux.