Bien qu'il ait quitté la Grèce il y 67 ans, bien qu'il reconnaisse lui-même ne plus maîtriser parfaitement sa langue natale, le réalisateur franco-grec Costa-Gavras ne pouvait pas ne pas s'intéresser à la crise économique que connait la Grèce depuis un peu plus de 10 ans. S'intéresser, c'est bien, mais la question qui le hantait était : que pouvait-il faire ? Et puis, le 25 janvier 2015, il y a eu élections législatives grecques et la victoire de Syrisa, un parti vraiment de gauche, élu sur un programme anti-austérité, très hostile aux réformes suggérées par les autorités européennes et appliquées depuis plusieurs années, réformes se traduisant par un cercle vicieux et qui ne faisaient qu'empirer la situation. Dans ce parti, deux figures se détachaient : Aléxis Tsípras, nommé Premier ministre le 26 janvier, et le très charismatique Yánis Varoufákis, nommé Ministre des finances. A partir ce cette élection, Costa-Gavras a suivi d'encore plus près ce qui s'est passé pendant 5 mois en Grèce et au niveau européen, avec un mélange d'espoir et de scepticisme, conscient qu'il était du caractère conservateur de l'Europe. Pendant 5 mois, et jusqu'à la démission de Yánis Varoufákis, le 6 juillet 2015, au lendemain d'un référendum grec sur un nouveau plan d’aide proposé par les créanciers internationaux et se traduisant par toujours plus d'austérité, référendum voyant le "non" aux dictats de l'Europe l'emporter largement. Une démission que Varoufákis a donnée afin de faciliter l'obtention d'un accord entre la Grèce et l'Union européenne. A noter que le "Non" a été assez vite transformé en "oui" par le parlement, un bel exemple démocratique s'inspirant de ce qui s'était passé en France suite au référendum de 2005.
C'est cette période de 5 mois et, tout particulièrement, tout ce qui se passait au sein de l'Eurogroupe, que couvre "Adults in the room", film absolument passionnant dont le titre fait référence à une phrase prononcée par Christine Lagarde, alors patronne du FMI. Costa-Gavras a eu l'occasion de rencontrer Yánis Varoufákis, lequel lui a fait part de sa surprise lorsqu'il s'est aperçu qu’il n’y avait pas de compte rendu des réunions officielles de l'Eurogroupe, cet organe informel, sans existence légale, qui réunit les ministres des finances des états membres de la zône Euro et qui, en fait, décide de l’économie de l’Europe. Une absence de compte-rendu qui permet à chacun de dire ce qu'il veut à la sortie des réunions. D'où la décision de Yánis Varoufákis d'enregistrer tout ce qui se disait au cours de ces réunions. Ce sont ces enregistrements, venant compléter le livre "Adults In The Room: My Battle With Europe’s Deep Establishment" (paru en France sous le titre "Conversations entre adultes") que Varoufákis a fait paraître en 2017, qui ont servi de base au film de Costa-Gavras. Autant dire que, grâce à ces enregistrements, il sera impossible de prétendre que la vérité était tout à fait différente de ce qu'on voit et entend dans ce film !
Un film où on voit le combat acharné d'un homme cherchant avant tout à œuvrer en faveur d'êtres humains face aux trahisons, aux collusions, à la puérilité, à l'hypocrisie, aux chantages et au caractère borné d'autres hommes qui eux, cherchent avant tout à sauver les banques. Un véritable film de cinéma, dans lequel on ne s'ennuie pas une seconde, à la fois thriller politique et tragédie grecque, allant même jusqu'à faire entrer en scène un chœur antique. Concernant la distribution, Costa-Gavras a tenu à ce que les comédiens soient tous du même pays que les personnages qu'ils interprètent, seule façon pour que, les discussions européennes se faisant en anglais, on retrouve l'accent authentique dans la pratique de cette langue. C'est ainsi que, concernant la France, Michel Sapin (Un Ministre soi-disant de gauche qui dit une chose en privé et son contraire en discussion officielle, histoire de ne pas déplaire à son homologue allemand) est interprété par Vincent Nemeth, Pierre Moscovici (Pas mal, aussi, celui-là !) par Aurélien Recoing , Emmanuel Macron par Damien Mongin et Christine Lagarde (La seule femme au sein de l'Eurogroupe, présentée de façon plutôt positive dans le film) par Josiane Pinson. Et Valeria Golino, italienne, qui joue le rôle de Danae Stratou, l'épouse (grecque) de Yánis Varoufákis, me direz vous ? Je dirai que la mère de Valeria Golino était grecque, que l'actrice a vécu en Grèce et parle couramment le grec ! "Adults in the room", un film à voir absolument.