En 2015, la Grèce est enfoncée dans la pire crise économique de son histoire. Son surendettement a obligé le gouvernement à accepter un programme qui l’asphyxie. Les élections portent au pouvoir la coalition antisystème Syriza avec une promesse : en finir avec l’austérité. Un jeune et charismatique ministre des finances, l’économiste Yanis Varoufakis, est chargé de la mettre en œuvre. Mais la négociation avec les institutions européennes s’annonce délicate. Alexis Tsipras aura beau organiser un référendum au terme duquel le peuple grec refusera le MoU exigé par l’Europe, il devra aller à Canossa et se résoudre à le signer. Après cinq mois seulement au gouvernement, s’estimant désavoué par cette signature contre laquelle il avait bataillé sans relâche, Varoufakis démissionnera.
"Adults in the room" est l’adaptation fidèle des mémoires de Yanis Varoufakis. Le ministre des finances s’y donne le beau rôle. Le doute ne l’effleure pas. Il est sûr de ses choix : la charge de la dette grecque, héritée de ses prédécesseurs, asphyxie l’économie, le programme d’austérité imposé par la Troïka (Commission européenne, BCE, FMI) anémie le malade qu’il est censé soigner, seule une restructuration de la dette permettra de restaurer les marges de manœuvre budgétaires qui permettront à la Grèce de renouer avec la croissance.
Ce programme typiquement keynésien se heurte à la logique bornée et de courte vue des créanciers internationaux : une dette doit être remboursée, sauf à trahir la parole donnée et à s’exclure de l’Euro.
"Adults in the room" raconte en détail la succession des réunions qui se tiendront pendant le premier semestre 2015 à Bruxelles, à Athènes, à Paris ou à Berlin pour tenter de résoudre cette crise. Rien n’est moins dramaturgique que ces interminables réunions. Costa-Gavras fait le maximum pour leur donner du nerf, au risque parfois d’en caricaturer les personnages. Face à sa caméra les dirigeants européens forment une galerie de politiques veules et arrogants : le président de l’Eurogroupe, le président de la BCE, les ministres européens des finances. Tous sont costumés de gris, tous portent la cravate. Tous sauf Varoufakis dont le look bohême (chemise ouverte, sac à dos, casque de moto) est censé à lui seul caractériser son approche disruptive de l’économie internationale. Seule femme dans ce panel exclusivement masculin, la présidente du FMI, Christine Lagarde, qui, épuisée par les enfantillages de ses collègues, aurait lâché : « Y a-t-il un adulte dans cette salle ? ».
Les eurosceptiques de tous poils qui estiment que « Bruxelles » impose son diktat et ignore la volonté des peuples, les anticapitalistes de tous bords qui suspectent derrière chaque réunion de banquiers internationaux un complot pour enrichir les riches et appauvrir les pauvres, seront aux anges. Les autres, qui aspirent à un peu moins de simplisme et de parti-pris, iront voir ou revoir "Inside Job" sur la crise financière de 2008 et ses mécanismes.