Autopsie de l’ambivalence
Laurent Cantet continue, de film en film, son exploration de l’âme humaine. Depuis 1999 et l’excellent Ressources Humaines, puis son immense succès de 2008 – auréolé d’une Palme d’Or -, avec Entre les murs, il ne nous a proposé que des bijoux comme Foxfire, confession d’un gang de filles, 7 Jours à la Havane, Retour à Ithaque et surtout L’Atelier en 2017. Cette fois ce sont les dangers des réseaux sociaux, mais surtout la révélation d’une double personnalité qui sont sondés durant ces 87 minutes menées tambour battant. Qui est Karim D. ? Ce jeune écrivain engagé au succès annoncé ou son alias Arthur Rambo qui poste des messages haineux que l’on exhume un jour des réseaux sociaux… Un brûlot qui pose beaucoup de questions dramatiquement d’actualité.
L'histoire se base sur celle, réelle, de Mehdi Meklat, auteur français de 25 ans qui avait acquis une notoriété en chroniquant notamment les quartiers défavorisés, avant de tout arrêter face à la découverte en 2017 de milliers de ses tweets antisémites, homophobes, racistes et sexistes. Cantet nous présente un personnage très représentatif de notre époque, représentatif aussi d'une fracture sociale très marquée en France et surtout entre le monde parisien et la banlieue. Une caméra trépidante suit pas à pas le « héros » tiraillé entre un passé trouble et sa nouvelle notoriété qui le catapulte dans un monde tout en apparences comme ce fond vert devant lequel, pour la télé, il pose dès le 1er plan du film, ce fond vert qui dissimile un décor virtuel. Le faux, le virtuel, la dissimulation… les mots clés de ce thriller pas comme les autres.
C’est Rabah Naït Oufella, l'ancien élève poil à gratter d'Entre les murs, qui assume le rôle titre avec force et aisance. A ses côtés, Sofian Khammes et Antoine Reinartz apportent la réplique nécessaire à toutes les questions que l’on se pose jusqu’à la fin du film. Quelle face de Janus reflète sa réalité ? Un sujet éminemment sensible, à la fois médiatique et politique : de l'impact des réseaux sociaux, de leur maîtrise et de la maîtrise aussi des codes culturels et donc, en toile de fond de la question des inégalités sociales. Cantet pose les questions mais se garde bien d’y répondre. Le spectateur se fera son idée… C’est sans doute mieux comme cela. Mais il vous faudra attendre le 2 février pour voir ce film sur vos écrans.