Avec Rifkin’s Festival, à 86 ans, Woody Allen sort son 50ème film. Autant le dire d’emblée, il serait regrettable que celui-ci soit son film testamentaire car s’il se regarde sans déplaisir, il reprend ici tout ce que l’on sait déjà du cinéaste et n’apporte pas de singulière plus-value.
Rifkin’s festival est souvent très bavard. C’est un Woody Allen nous direz-vous. Ce qui donc ne pose pas de problème d’habitude, tant les dialogues sont véritablement pensés, et avec une finesse du trait archétypale et qui se veut anthropologique notamment évidemment des relations amoureuses, variation favorite du cinéaste. Sauf qu’en l’espèce, dans Rifkin’s Festival, ce qui est embêtant est le caractère hautement rébarbatif du bavardage en question, qui à force devient pénible. On a bien compris que Mort Rifkin (Wallace Shawn) se sentait perdu, désabusé, écœuré de la médiocrité humaine, que le temps arrêté du festival du film de San Sebastien allait mettre en exergue.
C’est un peu à l’image des scènes en noirs et blancs, incarnés par les rêveries hallucinatoires de Rifkin. En terme de mise en scène, l’idée est amusante, c’est ingénieux et clairement créatif. Sauf qu’au-delà du formel, l’objectif premier n’est sans doute pas atteint, car le récit ne décolle jamais dans ces moments, alors qu’on s’attend à du verre brisé et à « La porte de mon cœur grondera, sautera car la poudre et la foudre, c’est fait pour que les rats envahissent le monde. » (Tu verras, 1978 Claude Nougaro) et en fait on reste au quai des sempiternelles turpitudes de Rifkin et de son créateur. Ça cause, c’est marrant, mais il ne se passe pas grand-chose, même dans l’immobilité. On effleure par moment la tension et l’électricité d’un Vicky Cristina Barcelona (2008) du même auteur, qui laissait là s’exprimer des émotions qui se fêlaient, mais comme au final, cette atmosphère sensuelle et joueuse n’est qu’ébauchée, on est même un peu frustré, et on se dit que Woody Allen, un brin paresseux sur ce coup-là avec un vaudeville jazzy pépère, se repose sur son évident talent.
Et qu’il en est pourvu, car là où Rifkin’s festival devient bien plus captivant, est quand Woody Allen, autobiographique dans les interrogations que porte pour lui Rifkin, questionne le sens de la vie, les non choix, ceux qui n’en sont pas, et le ballet perpétuel du non-dit, alors que nous ne sommes que de passage.
Au final, Rifkin’s Festival, s’il tourne parfois un peu trop sur lui-même, et flirte avec une caricature par moment édifiante, arrive parfois quand même à décoller et nous sert une variation pas inutile sur les turpitudes existentielles, et le moment de cinéma, dans la veine très classique de son auteur, est donc au final somme toute appréciable.
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