Martin Eden est une libre adaptation du célèbre roman de Jack London, paru en 1909.
Selon Pietro Marcello (réalisateur) et Maurizio Braucci (scénariste), Martin Eden raconte l'histoire de ceux qui ne se sont pas formés dans la famille ou à l’école, mais à travers la culture rencontrée en chemin. C’est le roman de l’autodidacte, de celui qui croit en la culture comme instrument d’émancipation et qui est resté en partie déçu. "Un livre d’une grande pertinence politique, qui révèle la capacité de Jack London à percevoir les nuances ternes de l’avenir, les perversions et les tourments du XXe siècle. Nous avons imaginé que notre Martin traverserait le vingtième siècle, une transposition onirique du vingtième siècle, dépourvue de coordonnées temporelles, ne se situant plus dans la Californie du roman mais dans un Naples qui pourrait être n’importe quelle ville portuaire (pas seulement) d’Italie."
Pietro Marcello est né à Caserte en 1976. Il étudie la peinture à l’Académie des Beaux-Arts. Autodidacte, il enseigne en prison, dans le cadre de vidéos participatives puis de 1998 à 2003. En 2007, Il passaggio della linea, présenté à la Mostra du Cinéma de Venise dans la section Orizzonti, obtient de nombreuses distinctions. En 2009, Marcello s’empare d’un projet de la Fondation Jésuite San Marcellino de Gênes et réalise son premier long-métrage, La bocca del lupo. Le film obtient de nombreuses et prestigieuses distinctions de la part de la critique et des festivals internationaux. En 2011, Pietro Marcello tourne Il silenzio di Pelesjan, présenté hors compétition à la 68e Mostra du Cinéma de Venise en 2011. Tourné en 16mm, le film est un portrait du grand réalisateur arménien Artavazd Pelesjan. En 2015, Bella e perduta est présenté au Festival de Locarno et de nombreux autres festivals internationaux.
Né à Rome en 1984, Luca Marinelli, acteur principal du film, a étudié à l’Académie nationale d’art dramatique “Silvio d’Amico”. Sa carrière d’acteur commence en 2006, au théâtre avec Michele Monetta dans Fantasia arlecchina (2009) et avec Carlo Cecchi dans Le songe d’une nuit d’été (2009/2010). C’est dans ce spectacle que le réalisateur Saverio Costanzo le remarque et lui propose le rôle de Mattia dans La solitude des nombres premiers (2010). En 2014, Marinelli joue le rôle principale dans On l’appelle Jeeg Robot, pour lequel il obtient tous les prix et récompenses italiens les plus importants (David di Donatello, Nastri d’Argento et Ciak d’Oro). Il y incarne le grand méchant du film. La même année, il revient à la Mostra de Venise pour présenter le film de Claudio Caligari, Mauvaise graine. Le comédien dédie entièrement son année 2018 à la préparation de son rôle pour le film Martin Eden, performance qui lui vaudra de battre Joaquin Phoenix (Joker) pour le prix du meilleur acteur à la Mostra de Venise 2019. Il tourne actuellement au Royaume-Uni et au Maroc le film américain The Old Guard de Gina Prince-Bythewood aux côtés de Charlize Theron.
À la base du roman Martin Eden de Jack London, il y a un thème central : le conflit de classes à travers la culture, un phénomène rendu possible, dans la seconde moitié du XIXe siècle, par la diffusion de l’instruction de masse au sein du prolétariat. Pendant près de 150 ans quand la culture n’a plus été un monopole exclusif de la bourgeoisie, le personnage et le parcours de Martin Eden sont devenus la métaphore de ces artistes qui, issus des classes les plus modestes de la société, une fois entrés “à la cour”, ont trahi les principes de leur classe pour épouser le style et la cause de la bourgeoisie. Ou bien ont au contraire décidé d’être fidèles à leurs idéaux, mais en se retrouvant confrontés à des conséquences les ayant souvent conduits à l’isolement, à la folie ou à la mort. Dans le scénario, le récit de la vie de Martin Eden commence par les derniers jours de sa vie. Puis, il suit une narration par ellipses, à travers une série de flashbacks qui racontent le parcours de Martin avant qu’il rencontre le succès.
L’univers filmique de Martin Eden se dessine dans l'imaginaire de Pietro Marcello à travers les références à la peinture et à la photographie de la fin du XIXe siècle ; le tout dans la recherche de lieux qui puissent restituer le même type de densité et de réflexion historique. "J’ai choisi d’adapter l’histoire dans une ville imaginaire dont Naples est la référence la plus proche par ses couleurs, le rapport à la mer et les dynamiques sociales et politiques. Mais Naples n’est qu’un élément dans un collage : la ville de Martin Eden, en effet, est une ville portuaire européenne, pas un lieu spécifique mais plutôt un endroit reflétant l’esprit et l’atmosphère des grandes villes du Sud."
Pour Pietro Marcello, l’idée était de pouvoir naviguer librement dans l’histoire du XXe siècle. Le tout afin de pouvoir puiser des éléments historiques, politiques, esthétiques de différentes époques pour créer une dimension chronologique autonome par rapport à l’espace et au temps, mais dont la référence la plus proche sont les années quatre-vingts. "La raison n’en est pas seulement esthétique, elle vise à exacerber les sentiments portés dans les scènes, dans les séquences, ou dans les ressorts des personnages, comme, par exemple la passion pour le socialisme, les conflits avec les théories de Spencer et le désir de revanche. Tout comme l’aristocratie qui trouve un rebond dans son rôle élitiste au début du siècle, pour le prolétariat, qui cherche dans la petite entreprise le moyen de gravir l’échelle sociale, cela se situe dans les années cinquante. Ainsi se construit un univers indépendant qui trouve sa forme dans un conte du XXe siècle."