Le sujet est assez original : une généticienne divorcée, Alice (Emily BEECHAM qui a reçu étonnement le prix d’interprétation féminine à Cannes alors que sa prestation n’a rien d’exceptionnelle) a mis au point une plante dont la fleur rouge émet un pollen, stérile, qui rend heureux les personnes qui l’inhalent, car déclenchant une sécrétion d’ocytocine dans le cerveau. Elle l’a nommée « Little Joe » en référence à son fils Joe, adolescent, qu’elle élève en alternance avec son ex-mari qui vit à la campagne. Elle doit présenter sa création à un salon floral important et se met à douter de l’innocuité du pollen de la plante... Jessica Hausner a su créer une ambiance angoissante sans effets spéciaux, ni violence physique, ni épanchement d’hémoglobine, uniquement grâce au scénario subtil, insidieux, progressant par petites touches, en instillant le doute et la paranoïa ; cela est renforcé, d’une part, par la musique inquiétante et minimaliste du japonais Teiji ITO (1935-1982), constituée de flûte et percussions et par la façon de filmer, notamment dans le laboratoire de génétique végétale, avec de longs plans fixes où la caméra se déplace lentement en travelling latéral. A voir comme une fable (belle photographie de Martin GSCHLACHT, un peu irréelle, avec un travail sur les couleurs, notamment des vêtements, créés par Tanja HAUSNER, sœur de la réalisatrice) sur les dangers potentiels des manipulations génétiques. L’histoire n’est pas anodine et s’inspire probablement d’exemples réels où un parasite influence le comportement de son hôte afin de continuer son cycle biologique : cas de Toxoplasma gondii qui infecte les souris et réduit leur peur des chats afin d’être mangées par les félins, permettant la continuation du cycle du protozoaire ; cas de la larve de Dicrocoelium dentriticum ou petite douve, qui infecte les fourmis qui grimpent alors au sommet des herbes, facilitant leur ingestion par des herbivores où le cycle continue dans leurs foies ; cas du nématode Spinochordodes tellinii qui infecte des criquets, les obligeant à se noyer dans des flaques d’eau où les parasites continuent leur cycle. Sans oublier les enjeux économiques, rappelés par la chanson du générique de fin, « Business happyness ».