Les intentions de Christian Petzold sont limpides, il ne cache rien. En revanche, la pureté de sa réinterprétation de la célèbre légende du folklore germanique a de quoi laisser sceptique, dès lors qu’il dévoile les limites de son récit avec un peu trop d’aisance. Il n’empêche que dans le fond, les sentiments existent et sont mis à profit chez le spectateur. Il nous est alors permis de douter et de se laisser bouleverser par la beauté du cadre, par la mélodie de l’eau. C’est pourquoi le portrait des personnages devient un enjeu de mise en scène incontestable dans cette fable romantique et cruelle. Cette relecture assume ainsi son message jusqu’au bout, chose qui pouvait déjà décevoir dans les eaux salées de Neil Jordan (2009).
En s’attardant sur le verre à moitié plein, la sérénité pèse dans le rythme. Il s’agit d’un calme froid et mystérieux, à l’image d’Ondine (Paula Beer) torturée entre deux eaux, entre deux amours. Sans pour autant être incollable sur le mythe de la nymphe aquatique, il faudra rapidement saisir tout le dilemme moral de cette entité, qui par définition se nourrir d’amour pour subsister. Ce n’est qu’à la rencontre et la relation fusionnelle avec Christoph (Franz Rogowski) que l’on identifie mieux l’entendu de cette emprise enchantée et désenchantée. Et comme dans la plupart des contes, les destinées s’accomplissent et les malédictions deviennent des lignes de conduite à tenir. Dans ce sens, le parcours mélancolique de l’héroïne manque parfois d’intensité, notamment lorsqu’il s’agit de marier la curiosité fantastique et poétique. Ce qui est ironique pour certaines scènes qui sonneront comme anecdotiques et ce, malgré une narration poignante et engagée.
Pourtant, les pistes sont nombreuses à se manifester. Ondine est une femme qui cherche encore à s’émanciper de son univers aquatique, mais cette fois-ci, c’est bien à ciel ouvert et dans ses larmes qu’elle se noie. La conférencière freelance sur le patrimoine de sa cité témoigne d’un esprit de reconstruction, basé sur l’héritage de l’Allemagne et le Berlin d’hier. Elle symbolise ce fragment de vie qui alimente les mythes et son identité, à travers des regards qui ne peuvent s’empêcher de se tourner vers la nostalgie ou bien le remords. Cette leçon réapparaît plusieurs fois, avec un séquençage qui subit une nette évolution, mais qui impose par-dessus tout une réflexion sur un amour impossible. Le cadre de Berlin s’accommode même davantage au sujet, dès lors que l’on prend en considération son histoire et ses cicatrices, qui s’effacent de plus en plus.
Le réalisateur allemand nous fait alors don de sa clairvoyance pour mener à bien son récit et ses enjeux, affublés de tensions sous-marines, tantôt étouffantes, tantôt hargneuses. Ce qui pourrait nous surprendre dans la compréhension de sa « Ondine » (Undine) s’assimile plus à de l’accessibilité au grand public, mais le film réussit tout de même à gagner de la subtilité au fur et à mesure où l’on accepte la chute de nos héros. La modernité de la légende séduit donc par bien des aspects, mais ce qu’il faudra retenir, ce n’est pas son souffle, mais bien la structure qui lie le mysticisme et l’émotion, quelque chose d’audacieux et souvent non miscibles.