Nebesa (Paradis), du cinéaste serbe Srđan Dragojević, a été coproduit par 6 pays de l'ex-Yougoslavie, ce qui doit constituer une première. Le réalisateur, loin d'être inconnu, a notamment signé une farce pas spécialement réussie, La Parade, et d'autres films, historiques ou non, plus convaincants. Nebesa, présenté à Locarno en 2021, se positionne comme une sorte de fresque familiale de 2h00, de 1993 à 2026, qui démarre comme Affreux, sales et méchants et se termine comme The Square, à quelque chose près. L'argument de départ est absurde (un homme qui se voit affublé d'une auréole de saint, lumineuse comme un néon) est plutôt bien exploité par un scénario qui se love avec délectation dans la veine de la comédie noire. Les deux parties suivantes sont moins drôles, voire tragiques, censées représenter l'évolution de l'ex-Yougoslavie, du communisme vers le capitalisme et le christianisme. La religion semble véritablement la cible du cinéaste mais ce n'est pas sa démonstration qui tient en éveil mais bien les ressources d'un récit imprévisible qui ne recule devant aucun délire surréaliste. De fait, Srđan Dragojević s'est inspiré de trois nouvelles de Marcel Aymé mais il n'est pas certain que ses lecteurs puissent retrouver lesquelles. Qu'importe, malgré ses outrances et l'intérêt inégal qu'il suscite, selon ses différents chapitres, Nebesa a réellement quelque chose à nous dire sur les Balkans et, partant, aussi sur le monde dans lequel nous vivons. Si Ruben Östlund et Emir Kusturica l'ont vu, il y a fort à parier qu'ils aient apprécié.