J’avais très envie de découvrir l’œuvre originelle de Sacha Guitry de laquelle s’était inspiré "Un crime au Paradis". Ce qui est frappant, c’est qu’en regardant évoluer Michel Simon, j’ai cru voir le regretté Jacques Villeret qui a pris le rôle bien des années plus tard. D'ailleurs, si vous regardez les deux films dans la chronologie de leur date de sortie il y a fort à parier que vous reverrez Michel Simon en Jacques Villeret. Leur jeu est très proche, c’est stupéfiant ! Il en va de même pour Germaine Reuvier et Josiane Balasko. En regardant "La poison", je me suis aperçu que la trame du film de Sacha Guitry avait été respectée lors du remake, bien que la version 1951 soit moins complète. Parce que Sacha Guitry est allé à l’essentiel, ce qui a le don de rendre son film plus percutant, ou si vous préférez plus incisif. En effet, les spectateurs d’aujourd’hui connaissent sans doute davantage "Un crime au Paradis", réactualisé au goût du jour avec brio, en prenant soin de développer certaines parties. Aussi l’internaute cinéphile Gourmetdefilms a raison : "on a besoin de quelques minutes pour s’habituer à celui-là, avant d’être absorbé dedans !" J’irai un peu plus loin en disant qu’on a besoin d’un peu de temps. Oui l’adaptation au métrage de Guitry demande du temps car on voit le cinéaste en personne présenter les uns après les autres tous ceux qui ont contribué au tournage de ce film, de la production aux acteurs. C’est d’ailleurs assez désarçonnant car j’ai moi-même pensé qu’il y avait un souci d’enregistrement sur le DVD. Il n’en est rien, vous êtes maintenant prévenus. Les dialogues ciselés de Guitry sont là pour nous aider à entrer dans sa comédie grinçante, avec quelques répliques qui font mouche ! « J’en peux plus de ma femme. – Ah ? et qu’est que vous lui reprochez ? – D’être là. – Il ne fallait pas l’y mettre ! » Savoureux. Des dialogues au service d’un scénario novateur, limite insensé (du moins pour l’époque), dans lequel le mariage est assassiné par un grand coup d’opportunisme de la part d’un homme faussement naïf, lequel est marié à une femme dont le côté virago est amplifié par un alcoolisme notoire. Les avocats aveuglés par le sensationnalisme et le renom s’en retrouvent apostrophés, et la justice en prend au passage pour son grade aussi au cours du procès. Un procès qui tourne au pamphlet juridico-judiciaire. L’humour à la fois noir et caustique est donc au rendez-vous, jouant ainsi un vilain tour aux partis pris, aux idées reçues, et rappelle le fait que rien n’est jamais acquis d’avance. "La poison" est donc une œuvre cinglante dans laquelle on prendra un malin plaisir à suivre tous les petits et ô combien savoureux cabotinages de Michel Simon, heureux comme pas permis de parvenir à rebondir avec autant d’aisance et d’intelligence sur les propos émanant tantôt de son avocat, tantôt des autres membres du tribunal. Ça en est presque jouissif, même si on sait pertinemment qu’un procès ne se déroulerait jamais de la sorte. Mais bon, on ne peut pas être vraiment surpris par le ton employé, déjà visible dans les textes de présentation lors du générique du début. A noter également la bonne prestation de Pauline Carton qui, dans les traits de la mercière, ne se prive pas de faire un carton plein (ho !ho ! sans vilain jeu de mots bien sûr !) sur les commérages qu’on a souvent pu constater dans les petits villages de la France profonde. Quant à la présence de Louis de Funès, elle est bien trop anecdotique pour que je m’y attarde plus longtemps, mais au moins, même s’il a multiplié les petits rôles depuis sa première apparition à l’écran, ça nous permet de constater qu’il a commencé au bas de l’échelle avent de devenir l’immense star française de la comédie hexagonale. "La poison" : un film à découvrir et/ou à redécouvrir pour son propos politiquement incorrect. Remarquablement osé, pour l'époque !!