4,0
Publiée le 2 octobre 2021
À la fois tenté par le sujet et, quand même, l'Oscar (entre autres) du meilleur film mais inquiet par la présence de Chloé Zhao derrière la caméra, son précédent « The Rider » m'ayant plus ennuyé qu'autre chose : il est peu dire que le premier aspect l'a emporté, et de loin. C'était magnifique. Pourtant, « Nomadland », ce n'est pas trop mon genre, normalement. Lent, contemplatif, « social » (comprenez « prétexte à être ennuyeux »)... Sauf que le charme a opéré. Quasiment tout de suite.

L'histoire est simple mais claire, fluide. Ce n'est jamais trop ni trop peu. La réalisatrice sublime les paysages comme peu l'ont fait ces dernières années, aussi admirablement choisis qu'exploités. Je peux comprendre qu'on y soit hermétique : j'ai l'impression que cela se joue dans l'inconscient. Mais me concernant, j'avoue m'être rarement senti aussi bien que devant ces décors sublimes, cette musique harmonieuse, ce portrait de femme puissant, fidèle à elle-même et ses convictions jusqu'à la dernière minute.

Il y a une dimension presque religieuse, un rapport à la foi implicite que j'ai trouvé très fort, comme cette description des rapports humains, montrée avec beaucoup de chaleur et de sensibilité, sans jamais les idéaliser ou les simplifier. Ce film, je l'ai juste trouvé beau. Il m'est allé droit au cœur, que ce soit son rapport à la nature, aux plaisirs simples ou la force qui se dégage de cette héroïne inoubliable, surtout lorsqu'elle interprétée par Frances McDormand. Du cinéma à l'état pur, que je suis heureux d'avoir découvert dans l'une des plus belles salles de la région parisienne.
4,0
Publiée le 24 janvier 2021
Il serait intéressant qu'un jour Chloé Zhao se penche sur son pays natal, la Chine, mais en attendant son regard cinématographique est depuis ses débuts concentré sur sa patrie d'adoption et plus particulièrement sur les déclassés et les laissés pour compte, symboles de la décrépitude du rêve américain. Nomadland est son film le plus facile d'accès, d'une certaine manière, après une entrée en matière typique d'un certain cinéma indépendant américain, très proche du documentaire. Mais la fiction et l'approfondissement du personnage principal, Fern, une veuve sexagénaire qui dort dans son van et va d'un emploi provisoire à un autre, gagnent de plus en plus de terrain et attachent davantage. Liberté, solidarité, précarité se mêlent dans un film qui force peu à peu les cadenas intimes posés par son héroïne, à la solitude choisie, émaillée de rencontres de passage, certaines se répétant sans que son indépendance ne soit remise en question. Sur sa route, Fern ne voit que bienveillance à son égard, humanité et prévenance et sans doute pourrait-on arguer que le tableau est un peu trop idyllique car même le travail chez un géant du e-commerce semble parfait. Cela et aussi une musique un peu trop mièvre empêchent de considérer Nomadland comme une œuvre 100% réaliste. Mais peu importe, au fond, car le cinéma de Chloé Zhao est toujours empreint de poésie, de mélancolie, de quiétude et de lyrisme tranquille qui se retrouvent dans les grands espaces de l'ouest américain, comme un rappel de la petitesse de nos existences humaines face à la permanence des paysages.
4,0
Publiée le 25 août 2022
Ayant perdu son mari, son emploi, sa maison, et même sa ville (!), Fern décide de devenir une nomade. A bord de son van, elle arpentera les Etats-Unis, découvrant les difficultés de sa condition, et une communauté vivant en marge de la société.
« Nomadland » n’a pas volé son joli succès critique en 2021. Car il aborde une part invisible de la société américaine. Ceux qui ont tout plaqué pour vivre en quasi-indépendance. Parfois par choix, le plus souvent par nécessité, ces nomades des temps modernes apprécient leur liberté tout en étant confronté aux immenses contraintes que l’autonomie représente. D’autant plus qu’ils sont pour la plupart relativement âgés. Chloé Zhao traite son sujet de manière quasi documentaire. Des personnages souvent incarnés par de vrais nomades (dont Bob Wells, célébrité dans ce milieu, qui joue son propre rôle). Une mise en scène sobre, utilisant souvent des gros plans et grands angles sur ses protagonistes marqués par la vie. Une attention du détail, montrant qu’une assiette brisée ou une nuit froide représente un challenge pour ces personnes. Tandis que les prestations poignantes de David Strathairn et Frances McDormand, la jolie photographie et les magnifiques paysages américains rappellent que l’on est bien dans un film fait par et pour le cinéma. En outre, le film traite de ses thèmes de manière intelligente et pertinente. Montrant l’énorme vulnérabilité du troisième âge aux USA, pays où la notion de retraite est très relative. Ou le paradoxe des nomades, voulant vivre en dehors de la société, mais contraints d’effectuer les emplois les plus précaires du système pour survivre. Un beau drame, empreint d’une poésie mélancolique certaine.
4,5
Publiée le 13 juillet 2022
Les pionniers d’Amérique venus d’Europe allaient d’Est en Ouest, traversant cet immense territoire plein de promesses à la découverte mais aussi à la conquête souvent sanglante de ressources qu’ils croyaient inépuisables. Deux siècles après cette grande transhumance vers l’Ouest qui connut son plein essor au début de XIXème siècle, les habitants de ce pays qui est devenu cent ans plus tard la plus grande puissance mondiale, sont pour beaucoup remplis de désillusions, le fameux « rêve américain » tenant de moins en moins une promesse qui n’a jamais été en réalité que chimère pour la majorité d’entre eux. L’impitoyabilité du système capitaliste qui doit désormais se défendre face à la montée d’autres géants comme la Chine ou l’Inde, s’est encore renforcée. Bien heureux, ceux qui peuvent espérer vivre de leur retraite avec un toit sur la tête, tout en priant de ne jamais tomber malade. Prendre la route après avoir vendu le travail d’une vie, est parfois tout ce qui reste comme solution pour ne pas tomber dans la misère. Au volant de camping-car miteux, ils roulent non plus pour chercher l’eldorado mais tout simplement pour tourner en rond à travers le pays au gré des petits boulots que quelques grands trusts consommateurs de main d’œuvre non qualifiée ont la bonté de leur offrir pour quelques semaines. On les appelle les « Van dweelers » ou les « nouveaux nomades américains ». En 2011, Fern (Frances McDormand) récemment veuve vient de perdre son emploi dans l’usine de plâtres de la petite bourgade d’Empire dans le Nevada devenue depuis ville fantôme. Ayant vécu là toute sa vie avec son mari face au désert, elle doit quitter son logement dans un délai de cinq semaines. Après quelques hésitations, informée par une amie, elle rejoint la communauté animée par Bob Wells, bénévole qui orchestre tout un système d’entraide et d’éducation pour aider ces vieux nomades à faire face aux avaries du voyage. Fern va faire l’apprentissage de cette vie d’errance entrecoupée de haltes dans les points de rassemblements où la solidarité unit ces oubliés qui redécouvrent la vie des pionniers, certes de manière moins rude et moins dangereuse mais aussi moins exaltante car le carburant de la promesse d’un avenir radieux n'est plus là . Là est bien sûr toute la différence. C’est la journaliste Jessica Bruder, qui à la suite de la disparition du code postal d’Empire faute d’habitants, a choisi de rendre compte du phénomène des « Van dweelers » s’étant développé à partir de la crise immobilière qui de 2007 à 2009 creusa encore un peu plus les inégalités et laissa beaucoup de retraités avec des pensions devenues peaux de chagrin suite à l’effondrement des cours sur lesquelles elles étaient indexées. La lecture de son roman à vocation documentaire (« Nomadland: Surviving America in the Twenty-First Century ») frappa Frances McDormand tout comme l’acteur/producteur Peter Spears. Ils décident alors de le porter à l’écran pour ce qui sera « Nomadland ». Pour la réalisation, leur choix se porte sur Chloe Zhao après qu’ils ont vu « The Rider » au festival de Toronto en 2017. Le cinéma américain n’a jamais craint l’introspection et n’hésite pas à en confier ici la charge à une jeune réalisatrice chinoise qui a malgré tout rejoint Londres puis New York dès l’âge de quinze ans. Comme dans son précédent film (« The rider »), ce qui frappe au-delà de la parfaite maîtrise technique dont elle fait preuve, c’est la manière dont Chloé Zhao s’inscrit sans peine dans le sillon creusé sans relâche par le cinéma américain depuis les années 1960 et même parfois bien avant (John Ford et « Les raisins de la colère » en 1940), qui à travers des sujets plus forts dramatiquement dressait le portrait d’une Amérique ayant déjà bien du mal à marcher sur ses deux pieds. Martin Ritt, Sam Peckinpah, Michael Cimino, Martin Scorsese, Hal Ashby, Francis Ford Coppola mais aussi John Frankenheimer dans son film, « Le pays de la violence » (1970), ont parfaitement montré comment l’Amérique profonde était en train de décrocher irrémédiablement. Depuis la mondialisation s’est installée et l’affaire semble désormais entendue avec comme résultat un horizon définitivement bouché pour les « petits soldats » du système qui vont devoir en sus subir la crise climatique. Fern qui s’est depuis longtemps construit une bulle intérieure au sein de laquelle elle se ressource et dans laquelle elle laisse peu de monde entrer, nous offre plein écran son regard où transparaît derrière le sourire de circonstance qui lui sert de passeport, la quête de sens à ce grand tour qui conduit doucement jusqu’à la mort tous ces corps fatigués, obligés de continuer à fonctionner encore un peu pour nourrir la soif de profit inhérente au système capitaliste dérégulé, en allant chercher les petits boulots là où ils se trouvent. Pas besoin d’action pour ce film qui ne participe plus d’un cinéma de combat dénonçant frontalement et parfois violemment tout en laissant entrevoir un monde meilleur grâce à la lutte et à la fédération des énergies. Le cinéma de Chloe Zhao que certains qualifient un peu facilement de doux car il n’est pas empreint de violence physique, est le cinéma du constat qui n’a besoin pour convaincre et sensibiliser que de la description du réel interprété par les protagonistes eux-mêmes. C’est aussi le cinéma de l’attente. Celle d’une catastrophe à venir, indéfinie mais aussi protéiforme que l’homme ne peut sans doute plus éviter, ayant démontré depuis trop longtemps son incapacité à dépasser sa propre condition. Un obstacle sans doute infranchissable pour les malheureux mortels que nous sommes en dépit de toutes les Greta Thunberg de la terre. Une Greta Thunberg, bien malgré elle, devenue le jouet des grands qui régissent ce monde et triste illustration de la cynique maxime exprimée par le prince Salina joué par Burt Lancaster dans le « Guépard » de Visconti en 1963 : « Faire que tout change pour que rien ne change ». Reste donc les magnifiques paysages qui jalonnent tous les Etats traversés dont se repaît Fern et que Chloe Zhao filme de manière crépusculaire (photographie de Joshua James Richard, déjà présent sur les deux premiers films de Zhao), se demandant peut-être quand ils finiront eux aussi par être définitivement emportés par la folie de l’homme. Un film tout à la fois réaliste et poétique que nous propose une déjà très grande réalisatrice qui démontre une nouvelle fois qu’elle dirige formidablement les acteurs, qu’ils soient professionnels ou amateurs, en réussissant à les placer sur un pied d’égalité afin de faire ressortir toute l’humanité qui les habite. Le tout sans recours facile au pathos comme trop sou-vent dans le cinéma français. Frances McDormand qui habite tout le film est comme toujours parfaite de sobriété et de vérité. Elle a vu juste, récoltant là son troisième oscar qui fait d’elle la plus grande actrice célébrée par l’Académie, juste derrière Katherine Hepburn récompensée quatre fois. Sublime et désespérant.
4,5
Publiée le 9 juin 2021
Déjà archi-favori pour les Oscars en avril prochain, Nomadland rafle pour l'instant touts les récompenses. Et à raison. Tout est réussi. La mise en scène est d’une belle sobriété, alliée à un scénario aussi subtil que pudique. Que dire de l’interprétation. Frances McDormand (coproductrice) est une fois de plus formidable, tout en retenue. Elle s’est fortement impliquée allant jusqu’à vivre dans un camping-car et travailler à l’usine pendant plusieurs mois. En route pour une troisième statuette. On oubliera pas la musique et les images, superbes. Ce troisième film de Chloé Zhao, aussi scénariste, productrice et monteuse, à nouveau sur des laissés pour compte de l’Amérique est un film poignant et intense, assez contemplatif, d’une grande beauté et d’une poésie. Une excellente surprise. Voilà pour l'instant le plus beau film de l’année.
4,0
Publiée le 8 juin 2021
C’est après avoir tout perdu lors de la crise économique mondiale de 2008, que Fern, une sexagénaire reprend sa vie en main en aménageant une camionnette pour y vivre. Sur la route, elle adopte une vie de nomade et multiplie les rencontres dans une communauté solidaire et incroyablement amicale. Pour pouvoir payer ses frais quotidiens, Fern fait quelques contrats dans les champs de betteraves ou chez Amazon. Avec “Nomadland”, la réalisatrice chinoise Chloé Zhao nous fait découvrir une Amérique hétérogène du Dakota du Sud au désert du Nevada. Comme à son habitude, l’actrice Frances McDormand nous offre une prestation touchante et juste, sans jamais tomber dans le pathos et ce, malgré une bande originale qui frôle la corde sensible à chaque instant.
D'autres critiques sur notre page Facebook : Cinéphiles 44 et notre site cinephiles44.com
4,5
Publiée le 13 juillet 2021
Road movie profondément humain, émouvant, au style épuré, authentique, et parfois même contemplatif. Le jeu d'actrice de Frances McDormand est d'une grande justesse et que dire de la photo, magnifique, un dépaysement total et touchant. Beau film, peut-être pas celui que vous voudrez voir en période de coup de blues, par contre.
4,0
Publiée le 1 avril 2022
Ce film très délicat de Chloé Zhao évoque des personnes qui, dans la grande tradition Américaine, ont décidés de prendre la route ; leur besoin de liberté mais aussi leur solitude. Sur une bande musicale délicate, la réalisatrice Chinoise nous offre de très belles images, des paysages de nature sauvage et profonde.
Ce drame humaniste, fait de rencontres, de dialogues simples et sincères, nous distille bon nombre de scènes émouvantes. Il nous montre spoiler: la survie de nomades vivant dans un Van, l'amitié et l'entraide de ces gens sans grands moyens, séniors retraitées ou travailleurs itinérants en recherche d'emploi.

Merveilleuse de force et de sobriété, Frances McDormand en temps qu'actrice principale porte ce très beau film sur ses épaules.
4,0
Publiée le 9 juin 2021
Après la mort de son mari, après la fermeture de l'usine où elle travaillait avec lui qui provoqua la désertion de leur petite ville du nord du Nevada, Fern (Frances McDormand), la soixantaine, n'a d'autre solution que de quitter sa maison et de s'installer rudimentairement dans sa camionnette. Le temps des fêtes de fin d'année, elle trouve un emploi chez Amazon avant de prendre la route. Au Dakota du Sud, elle travaille dans un parc national puis va faire la récolte des betteraves au Nebraska. Sur sa route, Ferne croise d'autres vagabonds qui, comme elle, par choix de vie ou par nécessité, refusent de se sédentariser.

"Nomadland" arrive - enfin - sur nos écrans, précédé d'une réputation écrasante. Lion d'Or à Venise, quatre BAFTA, deux "Golden Globes" et surtout trois Oscars dont celui de la meilleur réalisation pour Chloé Zhao et celui de la meilleure actrice pour Frances McDormand (son troisième, excusez du peu, après "Fargo" et "Three Billboards"). N'en jetez plus ! la coupe est pleine !

Tant de louanges laissent augurer un chef d'oeuvre... et risquent immanquablement de frustrer les espérances des spectateurs. Car, pour le dire d'une phrase, si "Nomadland" est certainement un bon film, ce n'est pas un grand film qui mériterait sa place au Panthéon du cinéma à côté de "Parasite", "Moonlight", "Twelve years a Slave" ou "La la Land" (ah... zut .... La la land s'est vu souffler l'Oscar du meilleur film par "Moonlight" justement).

"Nomadland" a plusieurs défauts.
Le premier, diront les anti-Modernes, est d'être un peu trop à la mode. Son sujet fleure bon l'anti-trumpisme qui, à tort ou à raison, a fait florès pendant quatre ans à Hollywood. Rien de tel que de filmer l'Amérique pauvre, celle des "working poor", des "white trash", des minorités discriminées pour ravir les suffrages aux Oscars.
Les anti-féministes en rajouteront une couche : si Chloé Zhao a emporté la statuette, c'est en raison de son genre, pour que l'Académie qui n'avait jusqu'alors couronné qu'une seule femme dans cette catégorie (Kathryn Bigelow pour l'oubliable "Démineurs") se rachète une respectabilité.
Les autres - et j'en fais partie - diront qu'ils se sont ennuyés, que ce film de cent-huit minutes, qui enfile à la queue leu leu les épisodes interchangeables et souvent répétitifs de l'odyssée de Fern, aurait pu sans préjudice en durer vingt de plus ou de moins.
Enfin d'aucuns renâcleront aux récompenses qui pleuvent sur la tête de Frances McDormand que la caméra ne quitte pas d'une semelle et qui ne fait pas grand-chose sinon regarder le soleil se coucher sur les plaines désolées du Grand Ouest américain. Sa prestation, diront-ils, est honnête, mais ne mérite pas de la placer au-dessus de Meryl Streep, d'Ingrid Bergman ou de Bette Davis qui n'ont jamais réussi à décrocher leur troisième statuette aux Oscars

Ces arguments sont recevables. Mais ils ne sont pas fondés.
"Nomadland" est un film modeste, qui refuse le sensationnel. Chloé Zhao refuse la facilité qui aurait consisté à ajouter à la vie de Fern des rebondissements dramatiques (une agression une nuit dans son van ? les retrouvailles lacrymales avec un fils ou une fille perdue de vue ?). Elle utilise une base documentaire - l'enquête de Jessica Bruder sur les "Van Dwellers", ces Américains, souvent âgés qui ont quitté leur maison pour prendre la route - pour en faire une fiction élégiaque où souffle la poésie qui traversait déjà ses précédents films : "The Rider" (2017) et "Les chansons que mes frères m'ont apprises" (2015).

"Nomadland" est un film qui m'a surpris et qui m'a interrogé.
Les résumés que j'en avais lu me laissaient présager un livre sociologique, une illustration sinon une démonstration des ravages que la crise des subprimes puis les inégalités creusées par Trump avaient causées. Or, tel n'est pas le cas. Ou, pour être tout à fait exact, tel n'est peut-être pas le cas. Certes, Fern s'installe dans son van, nécessité faisant loi, faute d'autre alternative. Mais elle y trouve bientôt des habitudes et une liberté qu'elle chérit ("houseless but not homeless" résume-t-elle dans une formule parlante). Sur la route, en Arizona, elle croise toute une communauté de vagabonds qui ont fait le même choix qu'elle et embrassé le même mode de vie alternative. Fern pourrait y renoncer : en s'installant chez sa sœur qui lui ouvre les bras, ou chez Dave (épatant David Strathairn que l'interprétation de Frances McDormand a injustement éclipsé) qui lui ouvre son cœur. Elle n'en fait rien.

Pour moi, "Nomadland" est moins un film sociologique qu'un film psychologique sinon métaphysique. Il interroge moins notre société que nos choix de vie individuels. C'est cette ambiguïté, cette richesse qui au bout du compte m'a plu dans ce film, contrebalançant l'ennui que sa langueur revendiquée avait fait naître.
4,5
Publiée le 19 mai 2021
Sur le sujet grave des victimes de la crise financière aux Etats-Unis qui ont tout perdu et se sont retrouvés sur la route, un long-métrage sans jugement ni parti pris qui alterne avec une grande justesse et une puissante force narrative les moments durs, poignants, parfaitement ancrés dans une réalité crue, hivernale et les séquences plus positives, proche du feel good movie, faites de rencontres, d'échanges exactement à la manière du film de Sean Penn "Into the wild". Un rythme un peu lent, contemplatif, une mise en scène assez académique, sans emphase inutile mais très proche de son thème et de ses protagonistes. Des personnages à la psychologie toute en subtilités, magnifiquement écrits avec une mention spéciale évidemment pour Frances MacDormand et David Strathairn. Une belle oeuvre touchante et sensible.
4,0
Publiée le 22 avril 2021
Après son magnifique The Rider (qu'on avait découvert au Festival d'Alès, une séance subjugante) Chloé Zhao revient à la charge avec son envie de nous faire partager le quotidien des ruraux américains, à présent celui des nomades en caravane ou camionnette aménagée au strict minimum. Encore une fois, on s'est fait embarquer dans le voyage. Il faut dire que Nomadland s'offre un casting fabuleux, avec ses vrais nomades filmés naturellement (le générique leur rend bien hommage) qui ont des personnalités fortes et adorables, et en dégainant Frances McDormand (que l'on tient, subjectivement, comme l'une des plus grandes actrices modernes) dans un rôle qui la met littéralement à nu pour nous, sans aucune vulgarité mais au contraire pour souligner tout le dénuement choisi de ce mode de vie et l'amour des choses simples (sentir l'eau d'une rivière sur sa peau). On découvre totalement la façon de vivre des nomades, allant de petits boulots en galères, de problèmes techniques en marchés au puces, de rencontres au détour d'une place de parking qui changent une vie... D'ailleurs, certains récits de vie (dont on devine sans effort le vécu) nous brisent le cœur, nous font revoir nos habitudes à l'instant (on se dit "je vais peut-être plus profiter du présent, de mes proches, des pécules, des passions restées en suspens..."), et ce n'est pas la mise en scène amoureuse des grands espaces qui nous dissuadera de le faire. Quand on voit ces ciels azurés et rosis par le crépuscule, qui découpent un cactus ou un rocher majestueux au détour d'un sentier, sur une agréable petite musique tout en légèreté, on sentirait presque l'air frais nous arriver, et l'on n'a qu'une envie : mettre le réveil du lendemain au plus tôt, chausser ses santiags (baskets, ça marche aussi), pour aller voir ça de nous-même, et peut-être faire une rencontre intéressante, à l'instar des personnes-personnages du film. On ne reste pas non plus insensibles à la critique du régime social américain, qui traite ses vieillards comme des abandonnés, ne leur alloue qu'une retraite de misère (les forçant à travailler très tard, parfois jusqu'au dernier souffle) et ne couvre pas leurs frais médicaux. On comprend alors ces gens qui ont tout plaqué après le décès d'un proche (le conjoint, pour le personnage principal de McDormand) dans l'indifférence d'un système qui les a vampirisé jusqu'aux quatre planches (on reste émus par les histoires au coin du feu). Les camionnettes sont aussi un moyen de montrer un ras-le-bol d'appartenir à un pays qui ne vous appartient pas en retour, et Chloé Zhao semble n'avoir eu qu'à poser sa caméra (même si l'on sait qu'il n'en est rien, preuve en est de sa belle photographie et montage son) et laisser les histoires fortes des nomades faire le reste. On s'est agréablement laissé embarquer aux côtés de Frances McDormand dans cette belle communauté aux valeurs si touchantes, et à présent on se promet de ne pas attendre le coin du feu pour s'apercevoir qu'on n'a pas vécu, allez on chausse ses santiags et on profite. Message reçu, Chloé.
4,0
Publiée le 13 juin 2021
Qu'ils sont attachants les américains, quand Frances Mac Dormand, part à leur rencontre dans un van vétuste, qu'elle veut ,après avoir travaillé chez le géant Amazon, ( Nevada ?) arrondir ces fins de mois , en travaillant chez Wall Drug (alimentaire) , ou vendre des pierres précieuses, ou encore s'occuper de betteraves rouges dans le Nebraska....Elle déambule donc physiquement, mais surtout moralement dans une Amérique dévastée (celle des petits retraités, qui doivent finir leurs mois avec 550 dollars)...elle rencontre des "cœurs purs" , des gens en rupture, des "malades" qui tous portent différents secrets, et c'est le sien (de secret) que le film dévoile au fil de la route, petit à petit , comme un liqueur qui ronde le foie, l'âme, tous les sens....Le film nous montre davantage les gens que les grands espaces, qui sont ici suggérés (dans des tons tristes souvent, même dans le désert chaud), le tout accompagnée d'une musique douce à la guitare, avec un refrain qui vient apaiser plus que rendre coupable.....Il s'agit aussi d'une Amérique coupable, qui bat sa coulpe, délaissant ses "nomades" qui doivent reconstruire leur vie....C'est beau, c'est attachant, on prend un peu un coup dans la 'gueule", mais la réalité du monde est souvent ainsi.....Je conseille, c'est quelque part un feel good movie;
4,0
Publiée le 9 juin 2021
A travers cette critique de la société capitaliste actuelle, on suivra les pérégrinations de Fern, une femme que la vie n’a pas gâtée et qui depuis la mort de son mari et l’effondrement ouvrier de sa ville Empire, vit désormais dans son van bricolé par ses soins, allant de petit boulot en petit boulot. Malgré tout, elle a choisi de vivre car la beauté de ce qui l’entoure et ses rencontres vont lui prouver que le bonheur est ailleurs. Ce film quasiment documentaire nous montre l’envers du décor de l’Eldorado américain à travers le témoignage de ces milliers d’itinérants qui comme Fern, essaient de trouver un sens à leur vie après avoir beaucoup perdu. D’une beauté rare, magnifié par les vers de William Shakespeare, un grand film !
4,5
Publiée le 10 décembre 2021
« Nomadland » nous parle avec beaucoup d'intelligence et de pudeur de la crise économique qui égratigne, depuis bien des années, le fameux « rêve Américain ». On y suit une femme d'une soixantaine d'années, qui vient de perdre son mari et qui décide de « prendre la route » à bord d'un Van aménagé. L'histoire pourrait être totalement dramatique, pourtant, la beauté des paysages, la liberté de ce mode de vie... mais surtout la qualité des gens que rencontre l'héroïne pousse vraiment à la réflexion. La réalisatrice Chloé Zhao (d'origine Chinoise mais résidente Américaine) nous dépeint une vision réaliste, intime et passionnante d'une certaine partie de la population des États-Unis qu'on appelle désormais les « Nomades ». Souvent âgés, oubliés de la société, il se rassemblent et se regroupent... un peu comme les anciens colons qui ont construit leur pays. Le long de la route, ils font preuve d'une belle solidarité et d'une philosophie qui force le respect, avec un retour aux anciennes valeurs qui me paraît intéressante, tant sur le fond que sur la forme. Les Oscars semblent d'ailleurs en accord avec moi, puisqu'ils ont jugé bon de récompenser le film de trois grands prix... ceux du meilleur film, de la meilleure réalisatrice et aussi (le plus évident pour moi) de la meilleure actrice. Il faut reconnaître que Frances McDormand est juste incroyable dans le rôle principal. Alors, ne soyez pas timides.... foncez : « on se retrouvera sur la route ! »
4,0
Publiée le 23 avril 2021
Le voici le film primé de partout et le favori dans la course aux Oscars de cette année si particulière et il faut avouer que les louanges qui lui sont attribuées sont pleinement méritées. « Nomadland » se positionne, toutes proportions gardées, comme le « Into the Wild » de cette décennie en vantant les mérites de la vie des gens qui vivent sur la route. Mais ici, le film se pare d’un constat social fort sur les oubliés du rêve américain quand le film de Sean Penn se concentrait davantage sur la communion avec la nature. Chloë Zaho coche toutes les cases d’une œuvre réussie et marquante. On est en immersion totale avec le personnage principal magnifiquement incarné par la stupéfiante Frances McDormand, clairement favorite pour l’Oscar de la meilleure actrice. Au-dessus de tout qualificatif, elle est au-delà de toute interprétation : elle est et vit comme son personnage. Le rôle d’une vie et qui couronne une belle carrière.



Dès les premières images on suit donc les traces de Fern, son personnage, et une année avec elle sur les routes américaines entre petits boulots de subsistance et rencontres avec d’autres nomades comme elle dans ces étendues immenses où se trouve des camps pour les gens de la route. La force du film est que toutes ces rencontres sonnent vraies. Et que les personnes croisées soient des acteurs non professionnels rajoute encore à l’authenticité du long-métrage et s’avère un choix plus que judicieux. Celles avec Swanky, déchirante, ou avec la malicieuse Linda May sonnent tellement justes qu’elles nous parviennent à nous émouvoir avec pas grand-chose. « Nomadland » est traversé de grâce et de poésie, grâce à des échanges humains simples et beaux et une atmosphère apaisante et qui convoque le mythe du road-movie américain. L’aspect contemplatif mais jamais poseur ou languissant, assortie de quelques notes de musique simple et pudiques, rend certains passages profondément envoûtants. Et jamais l’ennui nous guette, Zaho sait tempérer la longueur de ses plans toujours à la perfection. Il y a peut-être deux ou trois longueurs sur la fin mais ce n’est vraiment pas préjudiciable.



Au-delà de la beauté évidente des images et de la manière dont la cinéaste sublime les grands espaces américains, « Nomadland » a du fond et un propos qui est développé en douceur. Le contexte de la crise économique et de ces gens obligés de vivre sur les routes pour différentes raisons est bien expliqué. Les bons comme les mauvais côtés de cette manière de (sur)vivre sont montrés naturellement et sans jugement aucun rendant le film à la fois fluide et profond. Il y a de jolis moments de vie, des moments de doute mais aussi des moments touchants d’une nostalgie indéfinissable. Tout nous parle et nous fait réfléchir en garantissant une évasion à tous les niveaux. « Nomadland » est une œuvre pure et incandescente où la magnificence de ce qu’on voit à l’écran et la magie des rapports humains et de l’entraide le dispute à la dure réalité économique d’un pays qui n’a que faire des laissés-pour-compte. Mais malgré cela, Fern et l’incarnation qu’en fait Frances McDormand donne envie de prendre la route et de vivre à ses côtés. Du grand cinéma généreux, fort et juste qui ravit les yeux et touche en plein cœur.



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