Unité de temps, de lieu et d’action. Alors qu’une minorité privilégiée s’apprête à embarquer pour un voyage culinaire sur l’île Hawthorn, prepare minutieusement par un Chef mondialement reconnu, ce qui les attend va les faire basculer dans une autre dimension, celle de la folie d’un homme.
Ce film est une critique acerbe du snobisme gastronomique, de cette cuisine casse tirelire et abstraite dont se délectent certains critiques, de la frontière ténue entre cuisine inventive et non cuisine, du business des « grands chefs » et d’une cuisine dite moderne, entre minimalisme outrancier, ego démesuré, effets de scène et facture maximaliste. Déguster un menu, c’est comme faire l’amour, avec tout son être et sans retenue, dans la chair, le partage et la générosité, et non pas en intellectualisant à outrance une vision abstraite de ce que l’on se fait du concept de l’amour. C’est le côté positif du film.
L’autre côté positif est Ralf Fiennes, dont on ne se lasse décidément pas du jeu d’acteur. Il prend grand plaisir à jouer ce rôle du chef désabusé au fond de lui, possédé, qui a basculé dans la démence, et son regard quand il sert le hamburger me fait penser au regard du critique gastronomique dans Ratatouille quand il goûte cette ratatouille qui lui rappelle celle de son enfance et de sa grand-mère.
L’idée du film est excellente et l’idée du huit clos également. Mais malheureusement, les louanges s’arrêtent ici. Car au lieu d’un huit clos ciselé à l’or fin à la manière d'Agatha Christie, on se retrouve avec une galerie de personnages caricaturaux et fades dont on aurait aimé qu’ils soient davantage travaillés et approfondis. Ceux du chef et de Margot le sont davantage, ce sont les personnages centraux et cela sauve un peu la mise.
La réalisation manque de génie et de talent, celui qui fait la différence entre une ratatouille congelée et une ratatouille faite maison, avec une huile d’olive artisanale tout en respectant la durée de maturation. Ce talent qui seul peut transformer le grand-guignolesque en chef d’œuvre. Au final, ça tourne en rond sans qu’on ait vraiment peur ou qu’on rit, l’humour pouvant être une manière efficace de tourner en dérision. Ça manque d’efficacité, c’est froid et lisse comme du papier glacé et dans l’ensemble, on a un peu le sentiment de rester sur le bas-côté de la route, de ne pas être vraiment concerné par tout ceci.