Ça partait bien mal avec cette longue séquence du dessert en début de film. C’était lourd, long et pénible. Une impression que tout sonnait faux : des dialogues au jeu des acteurs ! Puis peu à peu, me voilà convoité par le récit et surtout par la prestation des quatre acteurs qui, sans être exceptionnels, ont su retranscrire la jalousie, la frustration, l’incompréhension et la mesquinerie. Ils ont assuré. Rapports de pouvoir, petites cruautés entre amis, entre couples. Comment la notoriété liée à un succès soudain explose la cellule amitié. Non pas à cause de Léa (Bérénice Béjo), simple vendeuse devenue romancière, son succès n’a pas modifié son humilité, l’amour qu’elle porte à son mari (Vincent Cassel) et à ses amis, Karine (Florence Foresti) et son mari Francis (François Damiens). C’est le regard de ces derniers qui a changé. Ce sont eux qui ont modifié Léa. C’est le succès de Léa qui a modifié leur regard sur Léa. Si on regarde bien, Marc et Karine ont toujours sous-estimé Léa. Léa est une femme discrète, un brin naïve et comme on dit du côté de La Canebière : « Elle est brave peuchère ! » ; traduction : un peu cruche. Elle essuie des moqueries, des réflexions désobligeantes. Comme c’est dit souvent avec le sourire, elle en sourit ! D’autres femmes auraient fini par mettre le holà ! Rapport de pouvoir entre Léa et Marc ; Marc se voyait le pilier du couple, c’était dans l’ordre des choses selon ses principes ; c’est lui le mâle dominant, lui qui contrôle la cellule conjugale. Tant que Léa était à sa place, bonne épouse, employée modèle, discrète, moulée dans le carcan d’une vie simple, routinière (comme beaucoup d’entre nous), évoluant dans une zone de confort formatée, elle était sympa. A partir du moment où elle s’écarte de ce sentier balisé, du moment où elle s’émancipe artistiquement, il ne la reconnait plus. Marc a du mal à accepter de voir Léa s’épanouir dans son art. Le monde dans lequel évolue Léa ne correspond plus à son monde ; un monde passe-partout et cadré. Au lieu de profiter de cette nouvelle fenêtre proposée par Léa, synonyme d’horizons nouveaux,
il choisit la fuite tout en prenant soin de culpabiliser Léa !
Il ne supporte pas qu’elle puisse contrôler sa vie. Mais contrôler quoi ? Qui ?
Léa a simplement changer de métier
. Elle est toujours la même.
Certes, son nouveau job n’est pas banal, écrivain à succès de surcroît
. Rapport de pouvoir entre Léa et Karine : cette dernière semble avoir toujours aussi dominé Léa. Elle se croit supérieure à Léa. Ses moqueries ne sont pas innocentes. On perçoit qu’elle sous-estime la valeur réelle de Léa. Il en est de même avec son mari Francis : elle n’est jamais loin de le dévaloriser.
Jalouse, frustrée, elle choisira aussi la fuite avec reproches. Au lieu d’encenser, d’accompagner, Léa dans son succès, Marc, Karine et Francis lui reprocheront son succès
.
Daniel Cohen, le réalisateur, protège Léa en évitant que celle-ci prenne la grosse tête. Cependant, il ne parvient pas à me faire aimer ses personnages. Hormis Léa trop effacée, tous sont désagréables. Si les amis étaient dans l’incompréhension, j’étais aussi dans l’incompréhension de leurs comportements. Ça devenait insupportable. Etait-ce le but du réalisateur ? Dans ce cas, mission accomplie. Mais le risque c’est de mettre à distance le spectateur. Moi, je suis resté à distance. J’ai regardé tout ce petit monde mesquin en retrait. J’étais juste content pour Léa. Mais à distance. Aucune envie de la prendre dans mes bras. Le jeu même de Léa ne parvenait pas à m’émouvoir. La faute à qui ? Au réalisateur sans doute. A une réalisation assez froide, à quelques dialogues lourdingues, à des portraits qui manquaient de caractère. Ça frisait par moment la caricature. J’ai aussi apprécié les scènes où Karine et Francis cherchent à devenir artistes, s’essayent pour réussir un bon coup. Mais à distance. J’ai été attentionné par la tirade de Karine sur l’aveuglement. Je peux comprendre que l’on ne comprenne pas un succès. Nous sommes tous dans ce raisonnement. Combien d’entre nous critiquons tel ou tel artiste que nous n’aimons pas. Ne disons-nous pas « Comment se fait-il qu’il (elle) ait du succès ? » « Il (elle) est pistonné(e) ! » « C’est nul ce qu’il (elle) chante ». Je salue la prestation de Vincent Cassel qui ne cabotine pas et qui interprète un type lambda simple employé nourri de clichés grossiers sur les artistes. Si morale il y a : on ne s’improvise pas artiste. C’est un état d’esprit. C’est viscéral. Ce n'est pas donné à tout le monde.