Au départ, le genre que je préfère c'est le road movie. J'en ai vu des biens et des nuls, mais j'y retourne.
Ce n'était pas parce que c'en était un que j'y suis allée, mais on me promettait de m'emmener sur les ronds points. Pas autour des ronds points mais dessus. Je n'avais jamais fait ce voyage, j'ai embarqué.
Un film sobre, on voit Ruffin mais pas trop. Il ne s'annonce pas avant, rien n'est truqué (ni la réparation des freins, chez Norauto, ni le rhume à force de traîner sur les ronds points en plein hiver pluvieux), ni le même sweat shirt pendant une semaine.
Chez Ruffin, y'a pas de démagogie, il écoute et fait des réflexions, et pose des questions, et ça vient tellement du fond du cœur que les gens lui confient leurs vies devant une caméra. Ils sont gais, ils rient, on se dit elle semble pas dure leur vie. Et à peine tu te dis ça, qu'ils te racontent leur frigo vide, leurs 3 jours sans manger, le quatrième parce que le patron accorde une pizza gratuite par semaine, les gosses qui n'ont pas de vacances, pas d'habits, qui ne réclament rien, et qui n'ont rien. Et en racontant ça ils pleurent les Gilets Jaunes, beaucoup de femmes chez les Gilets Jaunes. Dans les hautes sphères beaucoup de costards, mais chez les Gilets Jaunes beaucoup de femmes. Avec des gosses. Et des femmes de la trentaine, qui ont un frère de 7 ans, dont la mère a encore moins pour manger.
Et ces gens qui te racontent simplement, factuellement, qu'ils ne mangent pas, que leurs gosses ne mangent pas, en 2019 en France, quand on vient de supprimer l'ISF, quand un président, qui n'a jamais rien fait de bien pour les gens, sauf les très très riches, ces gens sur les ronds points, jour et nuit, à construire des cabanes, en Gilet Jaune, te donnent l'espoir qu'une autre politique est possible. Te disent qu'on ne peut pas être le pays du tiers monde, qu'on ne peut pas avoir un gouvernement qui tabasse ces gens qui veulent travailler, vivre de leur travail, avoir une famille, des enfants, à manger, un toit, de quoi faire cuire leurs repas et de quoi se chauffer, mais aussi sortir, boire un coup avec les potes, aller au cinéma, à la mer, en vacances.
Ils veulent vivre quoi. Les habitués du Fouquet's ne comprennent pas qu'ils défilent toutes les semaines juste pour manger tous les jours...
Sortir révoltés de ces inégalités, révoltés des déclarations des gens qui nous gouvernent, des parlementaires, des juges, de tout ce que la société compte de gens propres sur eux et contents d'eux, dont les actions n'améliorent jamais le bien-être des faibles.