À l’assaut du bonheur
Je me demandais à quoi ça pouvait ressembler un documentaire au cinéma, sur écran géant... Résultat ? J'veux du soleil !, de Gilles Perret et François Ruffin, est une œuvre d’art, un film comme je n’en ai jamais vu ! Un cocktail explosif d’émotions, on passe de la joie à la colère, du rire aux larmes... Nous étions samedi soir à Privas avec nos trois enfants de 4, 6 et 9 ans. Pendant la projection, je les ai entendus rire, applaudir à n’en plus finir, le sourire aux lèvres ! Une fierté les accompagnait. Ils ont vu dans le film des gens comme nous, l’esprit bon enfant, complices, au grand cœur… endurer les mêmes galères. De magnifiques personnes, fortes d’un lien qu’on ne pourra jamais briser, malgré la disparition provisoire de nos châteaux sur les ronds-points, malgré la répression et toutes les violences policières. Notre fraternité crève l’écran : nos points de rendez-vous où on peut toujours trouver une oreille pour écouter nos peines, de la nourriture donnée en soutien aux petits ventres affamés, des célibataires disponibles pour les cœurs brisés (oui oui des couples se sont formés, même en Ardèche !), des coups de pouce pour du travail – certains ont des connaissances, des relations, et en font profiter leurs prochains...
Une solidarité née le 17 novembre, balayée à coup de tractopelles en quelques minutes. Pourquoi la fraternité gêne-t-elle autant ? Je me souviens des policiers qui buvaient le café avec nous les premiers jours, et partageaient nos croissants. Puis vinrent les premières intimidations. Celles des porte-paroles, des administrateurs de pages Facebook. C’était le temps des pièces d’identité photographiées, des procès-verbaux pour stationnement gênant alors que nous étions bien garés, pour distribution de tracts sur la voie publique, pour « usage de l’avertisseur sonore »... Tombèrent bientôt les convocations au tribunal, pour transport de gilets jaunes et casques de chantier dans les véhicules. Les manifestations, enfin. Nos actes, tous nos actes. Encerclements, nasses, bombes lacrymogènes, coups de matraque, coups de poings, coups de pieds, tirs de Flash-Balls, arrestations et emprisonnements de simples citoyens.
Impossible de se taire après tout ce que l’on a éprouvé physiquement, mentalement, psychologiquement. De se taire après toutes ces personnes blessées, mutilées ou tuées. Les coupables, Macron et Castaner dans un premier temps, rendront un jour des comptes. Puis viendra le moment de récupérer l’argent des paradis fiscaux – notre argent ! Et tout le reste. L’histoire est à écrire, une page blanche est là, ouverte, sous nos yeux. À nous de la saisir et d’en écrire chaque ligne. Le train est lancé depuis le 17 novembre, il n’est pas trop tard pour sauter dans un wagon.
Force, courage et honneur aux gilets jaunes ! On ne lâchera rien. Nous sommes fiers de notre combat historique, sur lequel le monde entier a les yeux braqués. On a tous droit au bonheur. Le droit de manger, de se soigner, de partir en vacances, et de profiter de la vie. Sur le chemin du retour, nos trois enfants chantaient à tue-tête : « J’veux du soleil, j’veux du soleil, j’veux du soleil, j’veux du soleil ! »
Nos graines sont plantées, et demain, elles fleuriront !
Cindy De Campos