Plus encore qu’un documentaire consacré par l’Œil d’Or du meilleur documentaire au dernier Festival de Cannes et couronné dans huit autres festivals, « Pour Sama », réalisé par le Britannique Edward Watts et la Syrienne Waad al-Khateab, essentiellement à partir des cinq cents heures de rushes d’images tournées par Waad al-Khateab à Alep entre 2011 et 2016 à partir d’un téléphone portable puis une petite caméra Sony, est un manifeste. Il embrasse les cinq années qu’auront duré le soulèvement contre Bachar al-Assad, puis le long et tragique siège de la ville par le régime syrien et l’aviation russe. Etudiante en économie à l’Université d’Alep en 2011, lors des premières manifestations contre Al-Assad, Waad al-Khateab s’engage dans la rébellion et se met à tourner pour témoigner de la situation - ses reportages ont été diffusés sur la Chaîne Channel 4. Des premiers élans de liberté au pilonnage de la ville et ses civils, jusqu’à l’exil forcé, elle a beaucoup filmé , obsédé par le fait de tout tourner, la répression mais aussi la vie quotidienne sous les bombes, l’intimité d’un repas de famille, quelques moments de quiétude dans un jardin en fleurs, les attaques de l’aviation russe, les barils d’explosifs largués par les hélicoptères de l’armée syrienne….le quotidien d’un hôpital clandestin fondé par un jeune médecin tout juste diplômé, Hamza, qu’elle épousera….son témoignage prend la forme d’une histoire filmée lue en voix off, à sa fille Sama ( Ciel en arabe) née au milieu de ces évènements . Sama c’est le sourire au milieu des horreurs d’une guerre asymétrique…Les forces syriennes libres pèsent peu devant le déploiement de l’aviation russe…on passe du sourire et du joyeux babillement de la petite à une fuite éperdue, caméra affolée à la main vers un hypothétique refuge quand des flammes s’échappent d’un des couloirs de l’hôpital….Ce témoignage est probablement ce qu’on a vu de plus poignant sur l’horreur d’un tel conflit pour les civils et notamment pour les enfants premières victimes de ces bombardements…que penser de ces scènes effarantes où des grands frères amènent leur petit frère ensanglanté et déjà mort… parfois un miracle, une femme enceinte sérieusement blessée par des éclats d’obus, que les médecins décident d’accoucher par césarienne d’un enfant inanimé qu’ils arriveront à ranimer tout en sauvant la mère…. Si le film s’adresse à Sama, afin d’expliciter la décision de ne pas fuir malgré le danger, il vise aussi le public occidental resté bras croisés devant le massacre. On pourrait faire pas mal de reproches sur la technique, scénarisation excessive, voix off écrite a posteriori, images sautillantes… mais quel fascinant témoignage sur l’héroïsme au quotidien de ces soignants opérant à même le sol, au milieu de pansements maculés de sang…qui parfois craquent après un nième bombardement russe, « Nous les adultes c’est normal…mais les enfants, eux, ils n’y sont pour rien » ….
Pour Sama est tout simplement un grand film….Ne le manquez pas !!!