Personnage phare du studio Hammer avec Frankenstein, Dracula a, également, marqué la naissance médiatique d’un grand acteur, Christopher Lee. Et le premier film que le studio a consacré au vampire de Bram Stoker ressemble beaucoup, dans ses intentions (à commencer par sa volonté de se démarquer de l’iconographie imposée par Universal), à "Frankenstein s’est échappé", également réalisé par le metteur en scène maison, Terence Fischer. On retrouve, ainsi, dans "Le Cauchemar de Dracula", cette approche plus frontale de la violence, avec des effusions de sang bien marquées (même si elles restent très sages au vu des productions actuelles), son choix de ne pas négliger les scènes de jour et, plus généralement, d’exploiter la couleur à bon escient (ce qui n’est pas encore si commun en 1958) ou encore de se montrer plus suave dans sa représentation des corps et des attaques du vampire. On retrouve, également cette volonté de s’éloigner du roman d’origine… volonté qui va assez loin ici puisque les personnages et leurs relations sont considérablement chamboulés.
Ainsi, Jonathan Harker est devenu un chasseur de vampire associé à Van Helsing et fiancé à Lucy (et non plus à Mina) alors que Mina est désormais mariée à Arthur Holmwood (l’ancien prétendant de Lucy dans les romans).
Il s’agit, certes de détails mais ils sont caractéristiques de la volonté d’affranchissement des scénaristes qui ont, par ailleurs, décidé que leur héros ne serait pas le Comte Dracula mais bien Van Helsing, campé par le classieux Peter Cushing. Élégant, obstiné, moderne, Van Helsing met un peu de temps à arriver dans l’intrigue mais, une fois présenté, ne quitte pratiquement plus l’écran et s’offre un baroud d’honneur d’anthologie pour mettre fin aux exactions du Comte. C’est, d’ailleurs, la principale surprise du film : Dracula n’y a qu’un rôle limité et, surtout, n’a pas la même aura qu’un Bela Lugosi. En effet, Christopher Lee a beau être au moins aussi connu dans le rôle que son illustre prédécesseur, il ne fait pas montre, dans ce film, de toute l’étendue de son talent... peu aidé, il est vrai par le nombre très limitées de dialogues qui lui ont été accordés et par l’évolution de son personnage qui, une fois qu’il a quitté son château, se voit cantonner à
apparaître de façon fantomatique aux fenêtres ou fuir devant Van Helsing
. Heureusement, Christopher Lee peut compter sur sa prestance naturelle et sur quelques séquences (dont la terrible apparition avec les yeux injecté de sang qui coule, également de sa bouche) pour faire le boulot et aura l’occasion d’approfondir le personnage dans les suites à venir. Le scénario est, par ailleurs, un peu simple dans sa structure et manque, surtout, d’un point de vue à défendre. A titre d’exemple, "Frankenstein s’est échappé" mettait en avant les conséquences de la folie créatrice d’un homme. Le "Dracula" de Coppola en faisait un anti-héros romantique et maudit. "Le Cauchemar de Dracula", lui, ne propose pas un véritable renouvellement du mythe et se montre un peu trop attentiste. Il reste, pour autant, le renouvellement visuel et charnel d’un personnage qui a retrouvé, à l’époque, une seconde jeunesse et a intronisé Christopher Lee comme monstre sacré du genre. Et puis, le reste du casting réserve quelques bonnes surprises John Van Eyssen en Jonathan Harker, Valerie Gaunt en femme-vampire et surtout Michael Gough en mari irascible. J'attends, néanmoins, de voir la suite pour avoir un avis définitif sur le personnage de Dracula, époque Hammer.