Les sacrifices se poursuivent sur l’autel du streaming et c’est finalement le grand N rouge qui hérite de la vibe numérique du dernier Zack Snyder. Il est bon de rappeler que nous nous trouvons encore dans une transition douteuse, à l’heure où les blockbusters sont écartés des salles françaises, en attendant la période estivale qui inaugurera le retour vers le grand, le majestueux et l’immersion totale. Il s’agit d’autant d’ambitions qui se lisent dès l’ouverture fun-pop d’une œuvre, qu’il faudra appréhender avec légèreté. Un retour aux sources qui a fait la fortune du cinéaste promettait la dose de curiosité nécessaire pour que l’on embarque dans un énième film de braquage, où cette fois-ci, les morts-vivants de Romero occupent l’oasis du Nevada et donc le sanctuaire de toute la cupidité des hommes. Le réalisateur, qui gère également la production et la photographie ne chôme pas, mais traîne tout de même la patte dans des moments, où l’intensité est mal pensée ou est contredite par les ralentis. Le lieu s’y prête, mais dommage qu’un certain « Peninsula » soit déjà passé par là récemment, car malgré ses faiblesses incontestables, il est possible de sentir le mauvais calque made in USA et ce ne serait que le début des soucis.
On cherche à se démarquer de quelque chose, mais c’est toujours dans l’ombre d’un tel ou simplement dans les codes des films de zombies que l’intrigue se perd. Le véritable hold-up se situe à ce niveau-là, dévoilant l’incapacité du cinéaste à sublimer ses plans ou encore ses personnages, peu voire pas du tout caractériser. Il ne nous reste que du fun à croquer, mais dans un changement d’échelle permanent, où la courte focale a été poncée dans le flou. Le manque de visibilité et de lisibilité des scènes ne sert aucunement une mise en scène qui recherche la proximité avec le danger ou l’urgence du moment. Oui, c’est banalement écrit et ça trébuche de tout part. Certaines folies sont assumées et quelques pics d’adrénaline peuvent se sentir. Mais à côté de tout ce qui étouffe l’audace et la fougue de la loterie, plus rien ne surprend vraiment et rien de gagne à être développer davantage. La mission des mercenaires est expédiée et les zombies ne sont plus que des figurants, affublés de maquillages et d’artifices de luxe. Ni la hiérarchie des créatures, ni leur férocité sera incisive, par crainte de subir une seconde fois la bêtise humaine.
Et en parlant de cela, nous en venons au troupeau, mené par un Dave Bautista suffisant, mais dont le personnage est peu pertinent dans la sous-intrigue familiale. Nous ne sommes pas loin de la déchéance qu’a connue « Suicide Squad », mais ce dernier nous aura au moins fait la grâce de conclure un poil plus rapidement son festival de vilains héroïques. Ici, les directives les plus simples ne laissent plus de place à la tension, à peine transformée en un objet décomplexé. Tout ce qui a bâti ce projet s’effondre dans les limbes et il ne reste plus qu’un spectateur lassé et étourdi, face à son écran, face à la régression d’un réalisateur qui eut de meilleures inspirations, à commencer par le remake contemporain « l’Armée des Morts ». Dans la même lignée, il a pu reconstituer Las Vegas, dont la topographie n’intéresse guère au-delà de ce que cette cité représente. Elle-même isolée du monde, au cœur du désert, le confinement fait parti de ses valeurs. Et les zombies qui y habitent font à peine partie du mobilier, ceux qui ne peuvent s’échapper d’une emprise démoniaque et de l’asservissement. Une ville que l’on peut évidemment éliminer de la carte afin d’en éradiquer les maladies les plus incurables du monde moderne.
« Army Of The Dead » ressemble à ce genre de spectacle qui cherche davantage à soigner les apparences de son versant réaliste, au lieu de donner du corps et de l’esprit à son univers, qu’il revendique fun et ludique. Malheureusement, il confond sa gourmandise avec une thérapie qui passe mal dans ce contexte. Une pensée pour la fille de Snyder expliquerait les nombreux raccourcis esquivés, mais qui ne rend pas pour autant justice à son investissement. Des minettes badass aux testostéronés bornés, on ne sait jamais quoi en faire pour mettre les enjeux en avant. Nous pourrions aussi bien lever la tête vers les cieux et attendre qu’un feu d’artifice démarre, sans succès ni divertissement.