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jerome S.d.c.
25 abonnés
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3,5
Publiée le 23 octobre 2019
Originalité cinématographique, on reste en haleine devant ce monologue dépressif soixante-huitard et dépassé mais magnifiquement illustré par les films des autres. Cela débouche sur un vrai processus d'art cinématographique... Chapeau l'artiste !
il ne hurle pas mais nous murmure avec délicatesse la difficulté de vivre dans ce monde avec un déploiement d'images tirées de film, douceur et lenteur sans aucun nombrilisme malgré les apparences, un mal être universel poignant. Merci petit frère.
Un rythme parfois mou et des images souvent illustratives mais parfois bien senties, suivant une voix off qui pourtant nous porte dans ce récit intime. Raconter une dépression et narrer ces va et vient par le biais d'un visionnage de centaines d'extraits que l'on comprend comme une pulsion de mort, relatif au décès du père. Une description clinique d'un quotidien qui le rappelle george perec.
Entre avril et octobre 2016, le cinéaste Frank Beauvais a vécu seul, cloîtré chez lui, dans un petit village des Vosges du Nord, victime d’une grave dépression après une rupture amoureuse. Pour tuer le temps, il a compulsivement visionné plus de quatre cents films sur son ordinateur, des DVD achetés au supermarché, des films téléchargés plus ou moins légalement sur Internet, des classiques hollywoodiens, des raretés soviétiques, des "gialli" sanguinolents… Il a tenu son journal qu’il lit devant des micro-extraits de ces films.
Le journal est un genre littéraire à part entière. Son passage à l’écran ne va pas de soi. Quelles images pour raconter la lente succession des jours ? Comment illustrer les subtiles variations du moi intérieur ? Alain Cavalier s’y est essayé dans ses dernières œuvres de plus en plus expérimentales.
Le parti retenu par Frank Beauvais est plus simple – même si on mesure admirativement le travail de montage qu’il a nécessité : trouver dans l’immense base que constitue la foultitude de films qu’il a vus pendant sa réclusion des images qui illustrent, plus ou moins fidèlement, son journal.
Même si "Le Monde" et "Télérama" parlent de « chef d’œuvre », mon enthousiasme n’est pas si délirant. Pour deux raisons.
La première est de forme. Elle questionne la plus-value de l’œuvre filmée sur le journal écrit. Pour le dire moins obscurément : qu’apportent ces images au texte ? Ne se suffisait-il pas à lui-même ? Sa lecture – et les respirations qu’elle aurait autorisée alors que l’audition d’un texte lu, en salles sinon devant un DVD, nous interdit toute pause – n’aurait-elle pas été aussi roborative que le visionnage d’un film ?
La seconde est de fond. Raconter la dépression est une contradiction en soi. Le dépressif ne se raconte pas. Il se noie dans son noir silence. Le rythme de "Ne croyez surtout pas…", l’espérance vers laquelle il s’ouvre (on apprend très vite que la réclusion de Frank Beauvais sera temporaire et qu’il prépare activement son retour à Paris), son existence même sont la preuve que la dépression du réalisateur n’était pas si profonde. On s’en réjouit pour lui… mais le film en perd en gravité.
J'avais peur de m'ennuyer devant un film aux allures expérimentales, et pourtant la force du récit nous emporte. Du général au particulier, du global à l'individuel. Comment s'en sortir dans une société au relents de plus en plus nauséabonds. Et puis si vous vous dites que vous êtes déprimés, ce film permet de montrer avec humour qu'il y a quelqu'un qui va encore moins bien que vous. rafraichissant.
Emotionnellement puissant (pour ceux qui partagent la sensibilité de l'auteur), éminemment poétique et artistiquement fascinant. Ce n'est ni un documentaire, ni un film mais une expérience à vivre, une forme d'oeuvre d'art à apprécier avec sa propre subjectivité. Une oeuvre qui mérite incontestablement qu'on prenne le risque de la découvrir.
Les critiques presse crient au génie. Admettons. Mais monter des extraits de film sans le son et y poser un discours en voix off à la première personne, Guy Debord faisait ça il y a 50 ans. Espérons juste que cette auto-analyse subventionnée par le CNC et la région Grand-Est (la où les autochtones sont des quasi-nazis - le mot n'étant pas prononcé mais le point Godwin multiplement frôlé) permettra au réalisateur de revenir dans le circuit. Il est tellement plus simple de revenir vivre dans un milieu où tout le monde pense pareil que vous, à grand coup de moraline anti-capitaliste et pro-migrants.
Destiné aux plus grands cinéphiles mais aussi aux amoureux de la poésie “Ne croyez surtout pas que je hurle” est un mashup de plus de 400 extraits de films plus ou moins connus que Franck Beauvais a dévoré entre avril et octobre 2016. Au travers de ces images, il nous parle de sa vie de cinévore introverti dont la citation suivante en résume l’essence : “Cette entreprise, basée sur l’utilisation des images que j’ingurgite ne dissimule t-elle pas une machiavélique construction de mon esprit maladif pour justifier ma cinéfolie ? [...] Rendre dynamique et féconde ma boulimie de films, mais je suis dans la position d’un toxicomane qui pour se libérer de sa dépendance déciderait pas non de rompre avec ses habitudes, mais de les observer et de les commenter. La mise à distance ne serait-elle pas qu’illusoire ? Le projet lui-même impliquant l’entretien constant de mon addiction est possiblement au bout du compte un accroissement de cette addiction”. Troublant, fascinant, passionnément maladif. D'autres critiques sur notre page Facebook : Cinéphiles 44 et notre site cinephiles44.com
Phénomène rare : ce film, sorti mercredi dernier, donne l'impression d'être instantanément devenu un classique de l'histoire du cinéma. Alors même qu'il porte sur des événements personnels et précisément datés (les printemps-été 2016), on a le sentiment qu'il a toujours été là, que des milliers de cinéphiles ont le DVD chez eux depuis des années, qu'on le ressort en salle entre une rétrospective Ozu et une réédition de Johnny Guitare. Le texte dit en voix off, superbement écrit, ouvre suffisamment largement l'éventail du malaise contemporain pour que de nombreux spectateurs s'y reconnaissent. À la différence des Histoire(s) du cinéma auxquelles on pense parfois (couplées à un JLG JLG hyperpolitisé), ici le montage d'extraits est insaisissable : impossible d'identifier la moindre image en 1h15 de film. Du moins pour un cinéphile conventionnel comme moi. La passion cinématographique de Frank Beauvais l'a visiblement mené sur d'autres routes. Le dispositif, aussi aride que la bande-annonce le prévoit, ne doit pas intimider : le découpage du texte, du montage (coupé par des écrans noirs marquant les changements de chapitre) et des thèmes relance sans cesse l'attention. Tout cela m'a amené à conseiller ce film à des connaissances en leur dressant le portrait-robot du spectateur idoine que voici : Ce film est fait pour vous si vous êtes de gauche, aimez le cinéma, avez quelque chose contre la police, avez vécu devant votre télé les attentats de 2015 et 2016, aimez les montages caléidoscopiques d'extraits de film, supportez les voix-off au cinéma, n'êtes pas contre une petite balade en forêt, avez une quelconque confiance dans l'avis critique de Télérama, Le Monde, Libération, Les Inrocks, Positif, etc., vivez à la campagne tout en souhaitant garder une vie culturelle active, vivez à Paris tout vous demandant pourquoi vous n'iriez pas plutôt vivre à la campagne, êtes capable de reconnaître et d'apprécier la qualité littéraire d'un texte tant politique qu'autobiographique, avez été tenté un jour par les mélanges cannabis-médocs pour calmer vos angoisses, êtes curieux de savoir qui se cache derrière les revendeurs indépendants de CD-DVD-Livres sur internet, appréciez les films courts qui sont devenus si rares, en avez marre des vieux, n'avez rien contre les homos, détestez le pseudo-nationalisme alsacien, savez que vous êtes lâche tout en nourrissant l’idée qu’au fond vous pourriez être un héros…
On peut s'étonner de la classification en "documentaire". On pourrait le définir comme un poème, un manifeste, un élan créatif intime à large portée. Pas de doute, derrière cette voix calme se cache une vraie pépite... Inclassable et profondément sensible.
De la littérature cinématographique, bouleversant mais à la condition d'ouvrir ses oreilles. Une oeuvre majeure pour celui que ne s'interdit pas le vagabondage....