Après Édith Piaf avec La Môme et Grace Kelly avec Grace de Monaco, le réalisateur Olivier Dahan retrace une nouvelle fois le parcours extraordinaire d'une figure féminine dans Simone, le voyage du siècle : celui de Simone Veil. Dès la fin de l'écriture de La Môme lui est venue l'idée de consacrer une trilogie de portraits à une artiste, une comédienne, et une femme politique.
Pour Olivier Dahan, "Faire le portrait cinématographique d’une personne est une façon d’aborder l’Histoire du pays, ou d’une époque, de développer des thématiques sociales et psychologiques, de réécrire une histoire avec un angle de vue spécifique et personnel. C’est en fait l’inverse d’un biopic. Les producteurs du film l’ont compris et m’ont fait confiance dans ce processus particulier."
Cela faisait dix ans qu'Elsa Zylberstein souhaitait consacrer un film à Simone Veil. Sa rencontre avec les producteurs Romain Le Grand et Vivien Aslanian a été décisive. C'est Elsa Zylberstein qui leur a proposé le nom d'Olivier Dahan pour réaliser le film, alors qu'il n'avait plus envie de faire du cinéma. "Je l’ai appelé, vu le lendemain et, trois heures après, il me disait oui ! Romain et Vivien n’en revenaient pas. Olivier s’est totalement emparé du sujet et a mis un an à écrire un scénario incroyable. Quand je l’ai lu, j’ai été impressionnée et bouleversée. Je suis fière car je me suis battue pour que ce film se fasse, j’y ai mis beaucoup d’énergie et Olivier a réalisé un film magnifique".
"Comme pour tous les Français de ma génération, c’est quelqu’un qu’on a eu l’habitude de voir à la télévision à travers quelques discours marquants", explique Olivier Dahan. Il reconnaît cependant qu'il ne connaissait pas bien son parcours et s'est lancé dans la lecture de son autobiographie. "Le livre démarrait à La Ciotat où je suis né car c’est là qu’elle passait ses vacances avant la guerre : c’est un élément qui a dû m’interpeller." De plus, Olivier Dahan souhaitait évoquer une période particulière de l'Histoire française, marqué par son père qui était militant antiraciste et avait échappé aux rafles allemandes. "Simone, Le Voyage du Siècle est avant tout, un film sur la transmission. Les 15 dernières minutes du film sont la somme de ce que je voulais dire avec ce film et la vraie raison pour laquelle j’ai essayé de le faire", conclut-il.
Olivier Dahan s'est beaucoup documenté sur Simone Veil en multipliant les lectures mais il s'est avant tout laissé guider par son intuition : "Il n’y a pas de documentation sur l’intime et les sentiments." Il s'est enfermé pendant deux mois et deux semaines et écrivait à raison de huit heures par jour, entouré de livres, d'articles et de documentaires. "Je devenais les personnages du film et je mélangeais le tout avec mes émotions familiales. Je ne piochais que ce qui m’intéressait, avec une subjectivité totalement assumée. De toute façon, si un portrait n’est pas subjectif, il est voué à l’échec. En revanche, il doit être juste. Et c’est à travers la subjectivité que j’essaie de trouver de la justesse."
La construction du film n'est pas linéaire mais sous forme de mosaïque, passant d’une époque à une autre. Une structure qui s'est imposée naturellement à Olivier Dahan. Il ne s'agissait pas d'une démarche intellectuelle ou stylistique : "À mes yeux, une histoire n’est pas forcément linéaire et cette approche me permet aussi de libérer la créativité. Ce ne sont pas des flash-backs ou des flash-forwards, mais des rimes. Des rimes de couleurs, de sons, de mots... Je souhaitais aller plus loin que dans La Môme dans cette recherche narrative qui fait que le portrait complet n’apparaît qu’à la fin."
Olivier Dahan s'est posé beaucoup de questions quant à la représentation des camps à l'écran : que pouvait-il montrer ? Il estime que les jeunes générations n'ont pas forcément vu les camps de la mort, malgré les images qui existent d'eux : "Il n’est pas évident que les plus jeunes aient vu La Liste de Schindler, Shoah, Le Pianiste, ou même Le Fils de Saul. Je voulais faire un film très accessible et en même temps exigeant." Il a décidé de filmer une arrivée dans les camps ainsi qu'un épisode qui suit la libération des camps. Pour ce dernier, il a décidé d'utiliser un long texte de Simone Veil sur lequel il a monté des images de paysages qui défilent en plan-séquence. "Le texte est un récit verbatim qui raconte comment, après Auschwitz, on peut basculer plus loin encore en enfer. C’est sans doute pour moi la partie la plus importante de l’épisode des camps : le récit verbatim, seul, raconte l’histoire. Je ne voyais même pas comment je pouvais ajouter un mot ou supprimer une phrase."
Ces scènes ont été tournées à Budapest durant trois semaines, dans les studios hongrois où les camps d’Auschwitz et de Bergen-Belsen étaient reconstitués. Pour Rebecca Marder, le tournage n’était pas éprouvant en lui-même mais "l’idée de mettre en scène l’inimaginable ébranle totalement."
Rebecca Marder et Elsa Zylberstein incarnent toutes les deux Simone Veil, à des âges différents. Rebecca Marder a été repérée très vite lors du casting. Olivier Dahan ne connaissait pas son travail et est allé la voir jouer à la Comédie-Française : "Ce qui m’a plu, c’est qu’elle avait une approche très intuitive, très pure. Elsa avait moins de liberté dans la mesure où elle campe une Simone Veil qu’on connaît à travers les médias. La difficulté venait donc du fait qu’elle devait interpréter un personnage public dont tout le monde a un souvenir plus clair. Elsa a joué davantage la somme des émotions de toute une vie."
Elsa Zylberstein a pris huit kilos pour se glisser dans la peau de Simone Veil. Elle a aussi adopté sa démarche et son phrasé : "J’ai passé des jours, des semaines, à m’exercer à parler comme elle, avec ce phrasé si particulier, cette manière d’appuyer les mots, d’accélérer soudain, de laisser les phrases en suspens. Sa façon de parler, c’est une musique."
Quant à Rebecca Marder, qui incarne le même personnage dans sa jeunesse, elle a écouté la voix de Simone Veil deux heures par jour, durant cinq-six mois, et a regardé de nombreuses archives d'elle. "Ce qui était intéressant, c’est que pour la période de vie que j’incarne, de 15 à 37 ans, il y a moins de photos, d’enregistrements et de traces." Elle a aussi porté des prothèses : une sur le haut du nez quand Simone Veil a 15 ans, puis une prothèse d’arcade sourcilière, une prothèse de menton, des taches de rousseur, des prothèses de joue et une prothèse pour creuser le nez après son retour à Paris, en 1946.
Enfin, Olivier Gourmet subissait chaque matin cinq heures de maquillage pour pouvoir incarner Antoine Veil.