Très belle biographie par Olivier Dahan, qui s'impose avec cette nouvelle œuvre comme le maître du film biographique "à la française". Du côté technique le film ne propose rien de révolutionnaire, tout est fait de manière classique mais en s'approchant au maximum de la perfection. Cadrage, mise en scène, lumière, musique, montage et raccords avec mise en abîme : Dahan reprend les recettes dont il a déjà démontré sa maîtrise dans La môme. On obtient un film de facture classique et d'une grande valeur esthétique, ce qui n'est pas pour me déplaire, le cinéma commence avant tout par là. A noter quand même une scène de repas d'été sur la terrasse où un long plan-séquence voit la caméra s'amuser à faire le tour de la table plusieurs fois. Le casting est au diapason, le film étant porté par deux actrices en état de grâce, Rebecca Marder et Elsa Zylberstein, les deux interprètes de Simone Veil à différents âges. La première s'ouvre ainsi un futur prometteur alors que la seconde trouve ici un des plus beaux rôles de sa carrière.
Bref, Dahan nous livre du travail bien fait, sans artifice inutile, qui permet de mettre en avant et sublimer le plus important : l'histoire qui nous est contée. La vie de Simone Veil est en effet un véritable roman, dramatique, mais aussi une ode à la vie, à l'humanité et à l'avenir. De l'or en barre pour tout bon cinéaste. La vie, les combats et les accomplissements de Simone Veil sont admirables en tous points, je ne vais pas revenir dessus, le film est éloquent à ce sujet. Dahan choisit, après une brève introduction en forme de souvenirs d'enfance, de démarrer son biopic par une série de plans choc sur la plus célèbre réalisation de Veil : la loi légalisant l'avortement. Un montage habile nous montre le déferlement de violence verbale sur la toute fraîche députée portant cette loi historique. L'effet est réussi, le spectateur en ressort secoué. Et quelques réparties de second plan nous rappellent que notre époque n'est pas si différente. Une autre scène marquante, antinomique de la première, est la rencontre entre Simone et un groupe de drogués en centre d'accueil. C'est une scène d'une profonde simplicité et d'une profonde humanité. Que ce soit il y a 40 ans ou aujourd'hui, voir une ministre dialoguer ainsi avec des parias de la société relève de l'extraordinaire. Mais Simone a cette légitimité, après avoir connu les camps nazis, pour parler de courage face aux drames de la vie. Mises bout à bout tout au long du film, ces scènes permettent de construire le personnage de Simone Veil. Le côté intime n'est pas oublié même si relégué au second plan, avec une histoire d'amour vraie, montrée de façon subtile et assez pudique, comme l'est le couple Veil.
Ce film est aussi une leçon d'histoire, l'histoire d'une personne, d'une famille, de la France, de l'Europe, de l'humanité. C'est notre histoire, avec plus particulièrement les horreurs de la Seconde guerre mondiale, qu'il ne faudra jamais oublier. Le film est une piqûre de rappel salutaire, à l'heure où le monde semble s'orienter de plus en plus vers le populisme et le retour des régimes totalitaires. La Shoah est montrée comme l'horreur qu'elle a été, mais sans en faire des tonnes. Presque tout a déjà été filmé à ce sujet, mais Dahan réussit à trouver là encore le ton juste et nous éviter l'overdose. Enfin, c'est une leçon d'espoir. On comprend l'attachement de Veil à la construction européenne, et ce chapitre clôt le film sur une magnifique leçon d'espoir. Cette personne qui a connu l'horreur absolue ("l'enfer de Dante" d'après ses propres mots) a porté toute sa vie un message humaniste et d'espoir en l'avenir.