Le film a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2022.
Déjà au cœur de son film La Trahison en 2006, la guerre d'Algérie est le sujet du nouveau film de Philippe Faucon. Né pendant ce conflit, le réalisateur en a été profondément marqué : "nous avons hérité de quelque chose qui s’est transmis sans toujours avoir été exprimé. Nous avons ensuite grandi et rencontré d’autres jeunes de nos âges, héritiers eux aussi de quelque chose de très à vif et très antagoniste autour de la mémoire de la guerre, que ce soient les enfants d’anciens harkis ou ceux marqués par les souffrances subies pour la cause de l’indépendance de l’Algérie."
"Harki" désigne un supplétif algérien de l’armée française, pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954‐1962), membre d’une unité appelée harka (mot arabe signifiant " mouvement ").
Philippe Faucon ne dégage que peu de figures motrices dans la narration, préférant filmer un groupe d’harkis : "C’est une histoire d’hommes pris dans la guerre. Et concernant les harkis, d’hommes pris dans un piège qu’ils sentent se refermer sur eux. Ceux qui les ont côtoyés pendant cette époque les ont souvent décrits comme des « blocs de silence ». Tous existent comme personnages dans le film, mais avec peu de traits, car chacun est dans un repli sur soi. Il y a peu de place pour l’épanchement."
Si le récit se déroule durant les trois dernières années de la guerre d'Algérie, entre 1959 et 1962, il résonne avec les débats sur l’immigration et l’intégration qui traversent aujourd’hui encore le débat public et politique français. Philippe Faucon rappelle que l'histoire française est en partie liée aux descendants de parents venus des pays où la France a été présente. "Aujourd’hui, on voit se raviver les discours du repli sur soi et même les mythes d’une France originelle. On en est arrivé à entendre dire que Mohamed n’est pas un prénom français [...]. C’est bien sûr occulter que Mohamed est de fait un prénom depuis très longtemps entré dans l’histoire de France par le sang versé et participant de la société française par le travail apporté, par les enfants élevés."
Par ailleurs, il souligne qu'il ne cherche pas à prendre parti mais "à dire la complexité, d’éviter les simplismes, les manichéismes, d’exprimer le plus possible toutes les vérités. Ce qui n’est pas simple, car les vérités peuvent être multiples et rester en conflit."
Le film s’ouvre sur la tête décapitée d’un harki. Il s'agissait pour le réalisateur de projeter directement le spectateur dans la violence de la guerre, "avec ce qu’elle a de cyclique, comme une spirale d’horreur : il est possible que la violence infligée ici soit une réponse cruelle à d’autres violences subies [...]".